Fumer fait tousser

de Quentin Dupieux, 2022, ****

Vous savez quoi ? Q̸u̸e̸n̸t̸i̸n̸ D̶u̶p̶i̶e̶u̶x̶. Mais vraiment.

Hein ? Comment ça, c’est pas clair ?

Mais si. Enfin…

Bon okay, pour les deux du fond qui voient tou­jours pas : Quentin Dupieux est com­plè­te­ment barré.

Son défi du jour : mon­trer qu’à quelque chose, super sen­tai est bon.

Ah oui, c’est vrai…

Alors, les super sen­tai (lit­té­ra­le­ment « super esca­dron de com­bat »), ce sont ces équipes de cinq com­bat­tants en lycra colo­ré qui défendent l’u­ni­vers contre les plus impro­bables monstres en plas­tique, caou­tchouc ou métal moche de l’u­ni­vers. Chez nous, on connaît sur­tout Bioman et Power Rangers, mais c’est un genre à part entière, qui compte lit­té­ra­le­ment des dizaines de séries cano­niques, un paquet de paro­dies (qui nous font prendre conscience que c’é­tait vrai­ment très très dif­fi­cile de faire pire que les ori­gi­nales) et de pro­duits déri­vés, et qui a don­né à nombre de parents fran­çais l’im­pres­sion que les séries japo­naises étaient toutes débiles — alors que bon bah voi­là quoi.

Et donc, ce bon Quentin s’est, à un moment don­né, mis en tête de tirer quelque chose de bon de cette fange navrante.

Toute l'équipe de Tabac Force
Non mais on est pas un sen­tai, on est tous de la même cou­leur ! — pho­to Gaumont

Histoire d’être sûr d’a­voir tous les bons ingré­dients pour un truc bien pour­ri, il a en plus basé ses per­son­nages sur une des plus immondes inven­tions de l’hu­ma­ni­té : le tabac. C’est donc un sen­tai1 com­po­sé de Benzène, Méthanol, Nicotine, Mercure et Ammoniaque qui, réunis, ont le « pou­voir can­cer » pour faire suf­fo­quer leurs enne­mis. Et après une mis­sion où la cohé­sion du groupe est mise à rude épreuve, leur chef, un rat huma­noïde, les envoie en détente au vert avec leur robot sui­ci­daire à grosse tête ronde.

Là, vous avez l’im­pres­sion d’a­voir une his­toire. Mais en fait, vous en aurez une demi-dou­zaine. Parce que Quentin joue sur un autre passe-temps sou­vent affli­geant des jeunes de sa géné­ra­tion : se racon­ter des his­toires qui font peur autour d’un feu de camp. Vous aurez notam­ment, juste en petit bonus, l’his­toire d’un pois­son qui nage dans une rivière, celle d’une patronne de scie­rie, celle de la fin du monde, et même un film fran­çais — vous savez, ces films où des amis se réunissent pour pas­ser des vacances dans un mas pro­ven­çal, et finissent par se dire tout ce qu’ils ne se sont pas dit en vingt ans d’amitié.

Doria Tillier dans Fumer fait tousser
On est bien, là, dégui­sé en minion… — cap­ture de bande-annonce Gaumont

L’ensemble est cohé­rent dans son inco­hé­rence, ça part dans tous les sens pour arri­ver à l’en­droit pré­vu, c’est un délire maî­tri­sé de bouts en bouts. Plus sans doute que les pré­cé­dents Dupieux, ça s’a­dresse à une cible assez pré­cise : la « géné­ra­tion Dorothée ». Mais du coup, plus sans doute que les pré­cé­dents Dupieux, c’est blin­dé de réfé­rences hila­rantes pour le public concer­né. Anthony nous avait remon­tré nos vies, Quentin nous remontre ce qu’il y avait dans nos télés et nos cinés durant notre jeu­nesse. Oh, et en pas­sant, dis­crè­te­ment, il évoque aus­si ce qui peut nous faire flip­per aujourd’hui…

Est-ce que c’est objec­ti­ve­ment un grand film ? Évidemment pas. C’est pas cen­sé l’être. C’est déli­bé­ré­ment con, volon­tai­re­ment moche, inten­tion­nel­le­ment décou­su. Mais c’est drôle, sur­pre­nant, enjoué, bref, ça fait pas­ser un bon moment.

  1. Si vous com­pre­nez pas le mot, reli­sez le para­graphe plus haut. Concentrez-vous un peu, enfin !