Battle of the sexes
|de Jonathan Dayton et Valerie Faris, 2017, ****
Qui est le vrai connard macho qui mériterait un bon coup de genou bien placé ? Est-ce le tennisman égocentrique, connu pour ses frasques, qui se proclame « chauviniste masculin » et fanfaronne que même à la cinquantaine, il pourrait battre n’importe quelle femme au sommet de sa forme ? Est-ce le présentateur télé qui affirme que les matches des femmes sont moins intéressants à regarder, parce que la balle va tout simplement moins vite que chez les hommes ? Est-ce l’organisateur d’un tournoi qui décide que la prime accordée à la victorieuse sera huit fois moindre que celle accordée au victorieux ?
À première vue, Battle of the sexes parle de la lutte pour l’égalité d’un groupe de tenniswomen, qui fondent leur propre série de tournois pour lutter contre la discrimination de la Ligue nationale de tennis, ainsi que des emblématiques matches de Bobby Riggs contre Margaret Court puis Billie Jean King, qui donnèrent au tennis féminin une visibilité inédite. C’est une reconstitution historique assez fidèle, quoiqu’inévitablement romancée, qui y va fort en couleurs acidulées des années 70, qui porte aisément son message égalitariste et critique les réactionnismes de tout poil — celui de la famille modèle, celui de la sexualité rangée, celui de la répartition des tâches domestiques ou des revenus.
On y trouve bien des clichés du genre, mais aussi des remarques qui tapent juste (si le but d’une organisation est de faire de l’argent, elle devrait rémunérer en fonction de ce qu’on rapporte, pas en fonction du nombre de personnes à charge, non ?) et une évocation légère et agréable de l’époque, plus proche de Free to run que de Les figures de l’ombre par exemple. Une photo soignée et des acteurs en grande forme aident à faire passer un synopsis sans défaut, mais pas forcément bouleversant.
Mais il y a tout de même ce détail particulièrement bien présenté : ma question initiale, qui est le vrai connard ?
Discrète dans la première partie, lorsqu’il s’agit avant tout d’un monde masculin affrontant un monde féminin (la vraie bataille des sexes, en somme), cette distinction devient plus importante au fur et à mesure que le film avance : la rupture entre WTA et NTL, initialement anecdotique et temporaire, devient irréconciliable, les tensions entre King et le très raisonnable Jack Kramer s’accroissent, tandis que les adversaires annoncés jouent leurs rôles et finissent par en concevoir un certain respect. Ainsi, l’ennemi annoncé se transforme presque en complice, tandis que les ignorants ordinaires deviennent les hommes à abattre. Si le message « les femmes ont autant de droits que les hommes » est asséné tout au long du film, ce petit « ne vous trompez pas d’ennemi » glissé en douceur lui donne une profondeur qui n’apparaît pas forcément à première vue.
Le résultat n’est ni une reconstitution historique, ni un biopic sportif, ni un brûlot humaniste ou politique : c’est avant tout une comédie dramatique familiale, plutôt enlevée quoique pas toujours très originale, qui mise sans vergogne sur le gros tampon « film féministe » de l’affiche. Mais au-delà de sa présentation d’une époque où se croisaient toutes les luttes égalitaristes, au-delà des parallèles incontournables avec l’ère actuelle, il sait se renforcer dans les détails secondaires : si ses montées au filet sont exactement là où on les attend, il arrive à placer un petit lob discret de temps en temps pour enrichir son jeu.