Avatar 2 : la voie de l’eau

bouillon de James Cameron, 2022

Vous vous sou­ve­nez d’Avatar ? C’est à mon avis un des meilleurs films de fic­tion de James Cameron, peut-être pas au niveau de Terminator et Abyss, mais plus équi­li­bré que Titanic, plus riche qu’Aliens et True lies, plus ori­gi­nal que Terminator 2 : le juge­ment der­nier et Terminator : dark fate. Évidemment, c’est lar­ge­ment un pla­giat de Danse avec les loups, mais citez-moi donc un vrai chef-d’œuvre 100 % ori­gi­nal ? Voilà.

Avatar ayant très bien mar­ché en salles, James a annon­cé faire une suite dans la fou­lée. Et puis bon, pro­blèmes tech­niques, dépas­se­ments de bud­get, épi­dé­mie, tout ça, la pro­duc­tion a été aus­si maî­tri­sée et ponc­tuelle qu’un chan­tier de HLM haute qua­li­té envi­ron­ne­men­tale en ban­lieue pari­sienne. Nous sommes donc fin 2022 lorsque Avatar 2 : la voie de l’eau arrive en salle, et début 2023 lorsque je trouve une séance en VO après avoir pas­sé les fêtes en famille.

Avatar repo­sait sur deux jambes : la cri­tique du com­plexe mili­ta­ro-indus­triel, qui vient sur une pla­nète piller ses res­sources et les autoch­tones sont priés de cre­ver mer­ci, et la décou­verte de Pandora, scène dépay­sante qui pio­chait aus­si bien dans la forêt pri­maire que dans l’u­ni­vers de Laputa ou dans une pré­his­toire où Rahan ren­con­tre­rait les dino­saures. Curieusement, c’é­tait assez cohé­rent, aux Na’vi près (pour­quoi ils ont que quatre membres, sur une pla­nète où les hexa­podes sont la règle ?), et c’é­tait une balade véri­ta­ble­ment magnifique.

La famille Sully dans Avatar 2 : la voie de l'eau
Alors, tout l’en­jeu du pre­mier volume, c’é­tait de se libé­rer des men­ta­li­tés humaines pour adop­ter un mode de vie natu­rel, sou­te­nable et res­pec­tueux de la pla­nète. Donc dans le 2 on a cinq gosses. — image Walt Disney Company

Avatar 2 : la voie de l’eau repose sur deux jambes : la lutte entre la famille amé­ri­caine par­faite et les vilains humains méchants qui font rien qu’à être méchants, et le pla­giat aqua­tique de tout ce qui était beau et nou­veau sur la terre d’Avatar. Autrement dit, si le pre­mier était un film éco­lo et guer­rier assez clas­sique mais bien fait et rela­ti­ve­ment ori­gi­nal, le deuxième est une comé­die fami­liale binaire dans un envi­ron­ne­ment inté­gra­le­ment copié.

Le pire, c’est la famille. Les rela­tions entre les ados, ceux de Sully comme les autres, vous convain­cront d’as­so­cier pré­ser­va­tif, pilule, sté­ri­let et vasec­to­mie jus­qu’à votre mort, et d’a­che­ter un congé­la­teur quand même au cas où.

Sérieusement, si c’é­tait ça, une crise d’a­do­les­cence typique, l’hu­ma­ni­té aurait dis­pa­ru il y a trois mil­lions d’an­nées, la mor­ta­li­té des humains pas­sant subi­te­ment de 50 à 100 % entre 13 et 15 ans. À peine démé­na­gés chez les voi­sins aqua­tiques, les Sully s’empressent de faire exac­te­ment tout ce qu’il ne faut pas faire : outre­pas­ser les limites cultu­relles locales, se mettre tous les adultes à dos, foutre la merde auprès des enfants du coin, et bien sûr rele­ver tous les « même pas cap d’al­ler dan­ser la Macarena au milieu des cro­co­diles ». À un moment cen­sé être émou­vant et sym­bo­lique et fort et tout, une espèce de lévia­than local sauve un des plus éner­vants des gosses Sully, et on nous dit que cette créa­ture est très intel­li­gente ; dans l’es­prit du spec­ta­teur, la per­plexi­té (« s’il est intel­li­gent, pour­quoi il l’a sau­vé ? ») se le dis­pute alors à la décep­tion (« ah, on va donc se fader Pticon jus­qu’à la fin du film ? »).

Grosméchant dans son corps de Na'vi
J’ai été nul et je vous ai coû­té une base dans le pre­mier, donc vous avez logi­que­ment choi­si de me res­sus­ci­ter. Le scé­na­riste avait pas envie de s’emmerder à créer un nou­veau méchant, c’est ça ? — pho­to Walt Disney Company

Et puis évi­dem­ment y’a Grosméchant. Grosméchant était déjà là dans le pre­mier film : c’é­tait le colo­nel qui, envoyé pro­té­ger les acti­vi­tés de l’en­tre­prise minière, en avait eu marre de perdre des hommes, avait été vexé par la tra­hi­son de Sully, et avait ten­té de tout cra­mer avant de se faire buter. Les humains, désor­mais tous très méchants (les gen­tils ont quit­té Pandora ou se sont trans­for­més en Na’vi), ont télé­char­gé une sau­ve­garde de Grosméchant dans un Na’vi, mais ça a dû buguer quelque part : toute trace de sub­ti­li­té et de dua­li­té a dis­pa­ru. Pourtant, il était déjà bien bas de pla­fond, incar­nant la direc­tion mili­taire butée et bel­li­ciste que Cameron méprise film après film, mais il avait encore un objec­tif à peu près cohé­rent. Mais désor­mais, il veut juste se ven­ger en butant tout le monde, quitte à détruire l’hu­ma­ni­té aus­si en pas­sant. Jadis ser­gent Hartman, il s’est trans­for­mé en héros de vigi­lante movie de Steven Seagal. Hélas, c’est la seule évo­lu­tion d’un per­son­nage : si le pre­mier voyait Sully s’é­veiller à un autre monde, décou­vrir une autre culture et apprendre à res­pec­ter et même à défendre d’autres gens, dans le second, tout le monde est figé dans son sté­réo­type d’un bout à l’autre.

Quant à l’u­ni­vers aqua­tique de Pandora, bah c’est beau, okay, mais c’est exac­te­ment la même chose que la ver­sion ter­restre du pre­mier film. On retrouve des dra­gons, par­don, des espadons/exocets, un dra­gon plus gros que les autres, par­don, un léviathan/cachalot, des coins dan­ge­reux, des coins jolis, des coins sacrés, etc. Avec une dif­fé­rence majeure tou­te­fois : au lieu de décou­vrir ça sous l’œil de l’en­va­his­seur qui s’ouvre et s’at­tache à une jolie autoch­tone, on découvre ça de l’ex­té­rieur, en sui­vant une bande de mioches qu’on a envie de baf­fer d’un bout à l’autre.

Jake Sully sur son poisson
Pour faire un bon scé­na­rio : copier, col­ler, recher­cher « dra­gon », rem­pla­cer par « pois­son ». — image Walt Disney Company

Et puis bien sûr il y a la bas­ton finale, où James paro­die à la fois Avatar, Aliens et Titanic avec une touche des Goonies et des pla­giats de Moby-Dick en pas­sant, le tout s’é­ta­lant sur beau­coup trop long. Ça nous amène le film à la baga­telle de 3 h 10, trente minutes de plus que le pre­mier. Sachant que celui-ci devait pré­sen­ter tout un monde et faire évo­luer son héros, alors que le second se contente de faire plouf-oh-c’est-beau-pareil-que-l’autre et d’a­gi­ter des sté­réo­types immuables, vous vous dou­tez qu’en temps sub­jec­tif, la dif­fé­rence est beau­coup, beau­coup plus importante.

Alors que le pre­mier Avatar était un des bons Cameron, celui-ci est peut-être son plus nul (fau­drait que je voie Piranhas 2 : les tueurs volants pour être sûr). En tout cas, du point de vue du scé­na­rio, James nous avait pas pon­du un truc aus­si basique, binaire et mau­vais depuis Rambo 2 : la mis­sion.