Hero corp

de Simon Astier et Alban Lenoir, 2008–2017, ****/**

John est un petit con. Alors qu’il doit quit­ter la ville suite à une his­toire de drogue, il apprend la mort de sa tante, là-bas, dans les Causses. Parfait, per­sonne ne le trou­ve­ra dans ce bled pau­mé au bout d’une piste, au bout d’une petite route, au bout d’une dépar­te­men­tale où déjà per­sonne ne passe.

Sur place, les autoch­tones s’a­vèrent un peu che­lous : le maire est d’un miel­leux exa­gé­ré, son fils essaie de buter John, y’en a un qui est muet et devient tout rigide de temps en temps quand on lui parle, le seul bis­trot n’a même pas de fri­go et le patron passe son temps à s’en­gueu­ler avec le bou­lan­ger — unique autre com­merce à des lieues alen­tours. Y’a bien Klaus, le jeune cos­taud du vil­lage, qui est cool, mais il a pas inven­té l’eau tiède. Et tous ces péque­nots gardent des œufs sous la main, qu’ils balancent régu­liè­re­ment sur les Hoodwink, la seule famille nor­male, fraî­che­ment ins­tal­lée au village.

Alors gars, t’as fait bon voyage ? Bienvenue au vil­lage ! — pho­to Calt Production

En fait, il s’a­vère que les autoch­tones sont des super-héros retrai­tés, qui essaient de faire fuir les Hoodwink parce que c’est galère d’a­voir des civils dans le vil­lage et de devoir tout le temps cacher ses super-pou­voirs. Ils sont tous un peu ten­dus par l’ar­ri­vée de John, qui ignore tota­le­ment que non seule­ment il est lui aus­si super-héros, mais que la pro­phé­tie le désigne comme l’é­lu du moment qui pour­ra détruire le ter­rible The Lord.

Voilà voi­là.

Pour résu­mer l’i­dée : pre­nez Kaamelott, mais avec des super-péque­nots au lieu des che­va­liers miteux, la Lozère au lieu de la Grande-Bretagne, et un jeune couillon qui n’a lui-même aucune idée de ce qu’il fout là au lieu d’un Arthur qui est le seul à avoir une vague idée de ce qu’il cherche.

Non mais sérieux, vous trou­vez qu’on res­semble à des super-héros ? Faut qu’on apprenne à coudre, les gars ! — pho­to Calt Production

C’est léger, c’est drôle, ça paro­die gaie­ment les super-héros habi­tuels, c’est com­plè­te­ment con, et ça confirme que les Astier ont un super-pou­voir éton­nant : trans­for­mer le con en drôle.

Les deux pre­mières sai­sons sont sur ce ton, potache, amu­sant, bri­co­lé, absurde tout en glis­sant çà et là de vraies réfé­rences aux comics comme à la vraie vie — après Guenièvre, Jennifer semble indi­quer les rela­tions sen­ti­men­tales ne sont pas le point fort de la famille.

Tout est bru­ta­le­ment dif­fé­rent à par­tir de la troi­sième sai­son, qui a chan­gé de pro­duc­tion et devient beau­coup plus sérieuse. Les inter­ro­ga­tions méta­phy­siques, vague­ment glis­sées sous les gags jusque là, deviennent expli­cites et cen­trales dans l’in­trigue, le rythme en souffre fran­che­ment et la série devient par­fois ver­beuse. On rigole tou­jours, hein, notam­ment lorsque Jennifer se pré­sente à la mai­rie contre son ex-père, mais d’une paro­die dra­ma­tique bien dosée, on passe à un mélo fan­tas­tique occa­sion­nel­le­ment comique.

Okay, mais quand tu dis : « mec, depuis ton virage gothique là, tu te la pètes un peu quand même », tu veux dire quoi au juste ? — pho­to Calt Production

Enfin, la der­nière sai­son est para­doxale : reve­nant au comique et à l’ab­surde qui fai­saient son suc­cès, la série part aus­si com­plè­te­ment en couille sur le plan thé­ma­tique. Elle aban­donne tout lien avec le monde réel pour par­tir dans un uni­vers tota­li­taire entre V pour Vendetta et Mad Max au-delà du dôme du ton­nerre qui, disons-le clai­re­ment, ne fonc­tionne pas. On y rigole à nou­veau de bon cœur et il faut sou­li­gner la façon extrê­me­ment réus­sie dont la série aborde la mort (la sienne et celle de ses per­son­nages), mais la trame géné­rale est trop fou­traque pour convaincre.

J’veux du cuir, mais si je dis ça, je casse mon image. — pho­to Calt Production

En résu­mant, il y a deux Hero corp. La pre­mière, les sai­sons 1 et 2, est une série légère, paro­dique, rurale, très amu­sante, qui tourne comme un cou­cou suisse en jouant sur plu­sieurs tableaux et qui plai­ra à coup sûr à qui­conque a aimé Kaamelott, Deadpool, Y a‑t-il un pilote pour sau­ver l’a­vion ? et autres trucs du genre. La seconde, à par­tir de la sai­son 3, est une tra­gé­die comique super-héroïque qui se prend un peu trop au sérieux et tourne par­fois à vide, se regar­dant agréa­ble­ment mais clai­re­ment pas au niveau du début.

Regardez donc les deux sai­sons ini­tiales et, si vous avez du temps libre et de la curio­si­té en stock, vous pour­rez éven­tuel­le­ment continuer.