Happy death day

de Christopher Landon, 2017, ***

Il y a des fois, je me demande ce qu’il se passe dans la tête des gens. Prenons un exemple au hasard : la tra­duc­tion des titres de films. Imaginons, je ne sais pas, que vous voyez pas­ser un film bap­ti­sé Happy death day, et que vous soyez char­gé de sa dis­tri­bu­tion au pays de Jacques Toubon. Que faire ? Garder le titre ori­gi­nal, en comp­tant sur le fait que mal­gré l’in­com­pé­tence notoire des Français en langues étran­gères, quel­qu’un arri­ve­ra bien à voir le jeu de mots sur birth/death ? Le tra­duire, au risque de ne pas trou­ver le même clin d’œil à la mort et à l’an­ni­ver­saire ? Ou mieux… L’appeler « Happy birthdead » ?

Voilà, là, c’est le moment où je me demande ce qu’il se passe dans votre tête. Je me demande com­ment elle fonc­tionne, quels sont les res­sorts de pen­sée qui vous ont ame­né à la conclu­sion que c’é­tait une bonne idée. Je me demande ce que vous avez subi, vécu, espé­ré pour en arri­ver là. J’ai envie de comprendre.

Par pitié, si quel­qu’un de Universal Pictures France peut me contac­ter à ce sujet, le sus­pense me tue.

Hiiiiiiiiiiii, le tra­duc­teur du titre !!! — pho­to Patti Perret pour Universal Pictures

Ah par­don, j’é­tais venu pour par­ler du film.

Alors voi­là, c’est le fils natu­rel de Un jour sans fin et de Scream. Du pre­mier (qu’il fau­dra que je pense à voir un jour) , on reprend le prin­cipe de la boucle tem­po­relle qui fait revivre le même jour à la même per­sonne. Du second (que j’ai pas l’in­ten­tion de voir, j’ai vu le troi­sième par acci­dent), la tona­li­té mélan­geant recherche du cri­mi­nel mas­qué, comé­die étu­diante et sla­sher soft.

C’est donc le der­nier jour de Poupouffe, membre émi­nente d’une soro­ri­té de Louisiane, égoïste, pré­ten­tieuse et vani­teuse comme seules peuvent l’être les membres des soro­ri­tés amé­ri­caines au ciné­ma. Ça doit être la cou­sine de Coucourge, d’ailleurs elle aus­si vient du Sud mais parle l’Américain plat-rapide des Californiens. Mais Poupouffe, elle, sait qu’elle va réus­sir sa vie, donc elle est beau­coup moins cool : elle prend sa coloc de haut, jette son coup d’un soir et mal­traite son amou­reux tran­si, humi­lie sa cama­rade qui a l’ou­tre­cui­dance d’ai­mer le cho­co­lat, saute son prof qua­si­ment devant sa femme, pose un lapin à son père, bref, c’est Poupouffe, elle est comme ça, on n’y peut rien.

Le soir venu, Poupouffe se fait poi­gnar­der par un assas­sin mas­qué, et on se dit qu’elle l’a vrai­ment bien méri­té. Mais comme il n’y a pas de jus­tice en ce monde, elle se réveille le matin même, avec une chance de revivre cette jour­née jus­qu’à ce qu’elle trouve l’as­sas­sin et devienne un peu moins Poupouffe.

Un cup­cake d’an­ni­ver­saire ? Mais t’es trop conne ou quoi ? Ça fait au moins 200 calo­ries cette merde ! — pho­to Universal Pictures

La mau­vaise nou­velle, vous l’au­rez évi­dem­ment noté, c’est l’ab­sence totale d’o­ri­gi­na­li­té. C’est exac­te­ment la trame de beau­coup trop de films ini­tia­tiques récents et, si j’ai bien com­pris, c’est aus­si celle d’Un jour sans fin (aux assas­si­nats près). Tous les per­son­nages sont déjà vus et la morale « sois gen­tille avec les autres » est aus­si légère qu’une pou­trelle de tour Eiffel (et ser­vie avec toute la déli­ca­tesse de ladite pou­trelle tom­bant du troi­sième étage sur un tou­riste cantonais).

La bonne nou­velle, c’est que per­sonne, dans l’é­quipe tech­nique, n’a la pré­ten­tion de faire un truc solide. Le film vise le fun bien plus que tout autre effet et si le fond est lourd, la forme a la légè­re­té d’é­tu­diants de socio gre­no­blois un soir de fon­due au vin blanc : rien n’est sérieux, la vannes se suivent avec aisance, les effets sont faciles mais assu­més comme tels, et on sent que le scé­na­riste a vrai­ment envie de par­ta­ger le plai­sir qu’il a pris à tour­men­ter Poupouffe.

Ça n’est pas aus­si réus­si que l’é­pi­sode de Stargate : SG‑1 où Jack et Teal’c doivent sor­tir d’une boucle tem­po­relle. Ça n’est pas aus­si réus­si qu’un vrai film ini­tia­tique. Ça n’est pas aus­si réus­si qu’une vraie comé­die étu­diante. Et on ne peut pas faire abs­trac­tion d’une morale exa­gé­ré­ment moralisatrice.

Mais dans ses genres, Happy death day se regarde agréa­ble­ment et c’est un bon moment de détente.