Mary et la fleur de la sorcière
|de Hiromasa Yonebayashi, 2017, ****
Vous connaissez Yonebayashi. Vous savez, quand les studios Ghibli cherchaient un héritier à Hayao Miyazaki / remplaçant au regretté Yoshifumi Kondō, ils ont testé Morita, Miyazaki fils, puis Yonebayashi, dont Arrietty, le petit monde des chapardeurs s’est attiré un joli succès critique et qui a du coup pu remettre le couvert avec l’excellent Souvenirs de Marnie. Entre la fin 2014 et le début 2015, la rumeur a dit que Ghibli arrête la production de longs-métrages ; exagérée (le studio a coproduit l’admirable La tortue rouge), elle reste plutôt fondée puisque, quatre ans plus tard, Souvenirs de Marnie est toujours le dernier long-métrage produit en interne, que le prochain n’est pas attendu avant encore un ou deux ans et que le récent décès de Isao Takahata ne devrait pas aider.
N’empêche, Ghibli a laissé une empreinte profonde dans l’histoire du cinéma et ne pouvait pas rester sans héritier. Voici donc le studio Ponoc, fondé par Yoshiaki Nishimura (ancien producteur pour Ghibli), Hiromasa Yonebayashi et d’autres anciens de Ghibli.
Cette petite intro a bien un but : expliquer pourquoi il suffit de cinq minutes pour classer spontanément Mary et la fleur de la sorcière dans les Ghibli.
Si le synopsis (une gamine ordinaire amenée à rentrer dans une école de sorcellerie, où elle se révèle douée) fait penser à Harry Potter à l’école des sorciers, la parenté la plus évidente est en effet à chercher du côté de Miyazaki. On retrouve en partie ses personnages (la vieille sorcière un peu flippante, le savant fou chauve et barbu que personne ne comprend…), on retrouve sa façon de raconter (importance des mouvements de cheveux, gestion du rythme et de la lumière), on retrouve ses obsessions personnelles (nature et forêt, magie, jeune héroïne et personnages féminins centraux). L’ambiance du début rappelle inévitablement Mon voisin Totoro (avec des chats à la place des totoros) et certains éléments sont des réminiscences claires de Le voyage de Chihiro.
Ceci n’est pas une critique, hein. Cette parenté est d’abord logique, étant donnée l’histoire du réalisateur ; elle est ensuite bon signe, vu qu’il vaut mieux copier les maîtres que les tâcherons et que tenter de masquer ses influences donne souvent des œuvres artificielles. Yonebayashi est un fils de Miyazaki, il l’assume, fort bien.
Et surtout, assumer ses racines n’empêche pas de trouver sa propre voie. Tout en étant indéniablement un « Ghibli », Mary et la fleur de la sorcière a su trouver son propre graphisme, sa propre façon de dessiner un château ou de poser des couleurs. En outre, là où Miyazaki était toujours intéressé par l’évolution intérieure de ses personnages, Yonebayashi semble plus miser sur les conflits extérieurs et les événements. Son film est du coup peut-être un peu moins symbolique, mais il n’en a pas moins un vrai deuxième niveau de lecture, au-delà des aventures initiatiques, sur les expérimentations, la volonté de l’homme de se prendre pour Dieu et les conséquences sur le monde.
Bien sûr, on peut trouver ça un peu linéaire, bien sûr, certains détails manquent de subtilité (mais soyons honnête : dans la vraie vie, les blagues sur les roux ne sont pas toujours subtiles). Mais tout cela reste d’un excellent niveau, plus animé que Souvenirs de Marnie, plus intelligent que Arrietty, le petit monde des chapardeurs, bref, un vrai bon film visible à tout âge.