Le château dans le ciel

de Hayao Miyazaki, 1986, ****

En 1984, Isao Takahata pro­duit l’a­dap­ta­tion par Hayao Miyazaki de son man­ga, Nausicaä de la val­lée du vent. Le résul­tat est un suc­cès qui per­met aux deux com­pères de créer leur propre stu­dio, bap­ti­sé Ghibli. Pour lan­cer celui-ci, c’est peu ou prou l’é­quipe de Nausicaä qui est à nou­veau réunie ; le résul­tat s’ap­pelle Le châ­teau dans le ciel et pave la voie à une belle série de chefs-d’œuvre.

Désolé pour ce pré­am­bule, mais il est indis­pen­sable : Le châ­teau dans le ciel n’est sor­ti en France qu’en 2003 et même les fans hard­core de Ghibli ne l’ont vu qu’a­près les Princesse Mononoke, Le voyage de Chihiro et autres Le châ­teau ambu­lant. Or, il n’est pas pos­sible de faire comme si l’on par­tait d’une feuille blanche quand les per­son­nages, les scènes et les thé­ma­tiques du film annoncent autant ceux des films suivants.

La verdure grandiose, déjà présente dans Nausicaä de la vallée du vent, une vraie signature de Miyazaki. image studio Ghibli
La ver­dure gran­diose qui prend le des­sus sur l’homme, déjà pré­sente dans Nausicaä de la val­lée du vent, une vraie signa­ture de Miyazaki. image stu­dio Ghibli

Néanmoins, Le châ­teau dans le ciel n’est pas qu’un pré­am­bule à la suite du tra­vail de Miyazaki. C’est aus­si une œuvre com­plète et si elle est la pre­mière à pré­sen­ter toutes ses futures signa­tures (héroïne ado­les­cente, impor­tance des arbres et des forêts, grand-mère carac­té­rielle, niveaux de lec­ture mul­tiples, alter­nance burlesque/tragique, etc.), c’est peut-être juste parce qu’elle est la pre­mière sur laquelle il a eu une large liber­té d’ac­tion. Le récit offre une cer­taine sub­ti­li­té et un équi­libre déli­cat entre action épique, action paro­dique, poé­sie, humour, et évi­dem­ment petites piques contre la viri­li­té mal placée.

La méfiance envers les créa­tions de l’homme est éga­le­ment omni­pré­sente, d’a­bord avec le robot tom­bé du ciel, puis avec Laputa elle-même : le gran­diose et le ter­rible sortent de la même main et le pou­voir de nui­sance de l’hu­main est pro­por­tion­nel à son pou­voir tout court.

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Sans maî­trise, la puis­sance n’est rien. image stu­dio Ghibli

Cependant, Le châ­teau dans le ciel n’est pas en tout une annonce de moder­ni­té. Le fan­tasme de la des­truc­tion totale par la force mili­taire, extrê­me­ment pré­sent dans le ciné­ma japo­nais en géné­ral (ça peut se com­prendre) et dont Ghibli s’est lar­ge­ment éloi­gné par la suite, est ici pré­sent en deux temps pour deve­nir un élé­ment majeur de l’his­toire. Certains pans d’ac­tion res­tent éga­le­ment très « man­ga », lourds et sans finesse, et rap­pellent plus Le châ­teau de Cagliostro que des œuvres plus modernes. Et il y a cette fin un peu abrupte, « bon ben voi­là c’est fini à la pro­chaine », fré­quente dans les des­sins ani­més pour enfants mais plus frus­trante dans un film, dont Miyazaki ne se débar­ras­se­ra réel­le­ment qu’a­vec Princesse Mononoke (en fait, la cou­pure de Kiki la petite sor­cière est encore plus brutale).

Cela n’empêche que Le châ­teau dans le ciel reste, de manière géné­rale, un bien bon film, équi­li­bré, drôle et tou­chant. Et l’at­taque de diri­geable qui l’ouvre reste une mise en bouche spec­ta­cu­lai­re­ment réus­sie, ryth­mée, hachée et pre­nante, qui mérite à elle seule de voir l’en­semble de l’œuvre.