Teenage Mutant Ninja Turtles : Mutant mayhem

de Jeff Rowe et Kyler Spears, 2023, ***

C’est l’his­toire de Leo, Donnie, Raph et Mikey. Tout petits, alors qu’ils vivaient leur vie de tor­tues dans les égouts de New York, ils ont été arro­sés de muta­gène et adop­tés par Splinter, un rat misan­thrope et soli­taire. Quinze ans plus tard, ce sont des ados cloî­trés, que leur père entraîne au com­bat au cas où les bipèdes les trou­ve­raient, et qui n’ont le droit de sor­tir que pour récu­pé­rer de la nour­ri­ture. Et natu­rel­le­ment, comme tous les ados, ils font des trucs dans le dos de Papa en rêvant d’être des lycéens popu­laires. Jusqu’au jour où, par leur faute, une jolie humaine se fait piquer son scoo­ter : ils pour­suivent les voleurs, rendent le scoo­ter, l’hu­maine les trouve sym­pa, et ils se disent que s’ils débar­rassent la ville du mys­té­rieux Superfly, ils pour­ront être popu­laires et aller au lycée.

Raphael s'essaie au shuriken
Un ado colé­rique qui apprend à lan­cer des shu­ri­kens. Je vois pas ce qui pour­rait mal tour­ner. — image Paramount Pictures

Voilà donc les vingt pre­mières minutes. Si vous avez l’im­pres­sion que le scé­na­rio est plu­tôt léger et peu ori­gi­nal, ras­su­rez-vous : ce n’est pas qu’une impres­sion. Mais bon, toute la série Tortues nin­ja est faite de scé­na­rios plu­tôt légers, voire fran­che­ment cré­tins, donc on peut pas pré­tendre être surpris.

Par rap­port aux films de Liebesman et Green, pro­duits par Michael Bay en prises de vues réelles, Rowe, Spears, O’Brien (au scé­na­rio) et Rogen (à la pro­duc­tion) sont reve­nus aux sources. Déjà, gra­phi­que­ment : ce nou­vel opus est un film d’a­ni­ma­tion, avec une ins­pi­ra­tion visuelle à mi-che­min entre comics et pâte à mode­ler. L’animation n’est pas tou­jours très fluide, mais elle ren­voie effi­ca­ce­ment à l’u­ni­vers de la BD et son aspect gros­sier et brut est idéal pour ce New York aus­si sale que ses égouts.

April interviewant les tortues
Même hors des égouts, New York reste sale, taguée, désor­don­née. — image Paramount Pictures

Ensuite, sur le plan scé­na­ris­tique, c’est éga­le­ment un retour aux sources. Les per­son­na­li­tés des quatre tor­tues sont plus proches des ori­gines, avec un Raph rebelle, frus­tré et colé­rique qui équi­libre les autres carac­tères (Leo le lèche-botte qui veut plaire à Papa, Donnie l’in­tel­lo geek de ser­vice, Mikey le bran­leur bla­gueur qui se repose sur ses faci­li­tés). C’est d’au­tant plus notable que ce Mutant may­hem1 est clas­sé « PG » (accord paren­tal sou­hai­table), ce qui l’ouvre à tous les publics et limite énor­mé­ment vio­lence et gros­siè­re­té : le Raph de la série télé ou du film de Liebesman aurait sans doute été plus facile à gérer côté scé­na­rio. Dans l’en­semble, mal­gré la super­fi­cia­li­té du pro­pos, le scé­na­rio tourne rela­ti­ve­ment bien, avec un bon équi­libre entre vannes faciles, ten­sion, clins d’œil à la lit­té­ra­ture et au ciné­ma popu­laires, et carac­tères variés des personnages.

Enfin, dans la logique même de l’his­toire des tor­tues, ce film revient aux sources en mon­trant com­ment elles passent de jeunes tout juste éclos à héros qui sauvent la ville.

Les tortues toutes armes dehors
Graphisme déli­bé­ré­ment brut, per­son­nages brutes-mais-pas-trop-res­tons-grand-public. — image Paramount Pictures

Comme rien n’est par­fait, on peut évi­dem­ment regret­ter le manque de pro­fon­deur de cer­tains élé­ments, par exemple Superfly en méchant très méchant ou le retour­ne­ment de la deuxième heure pla­cé là juste pour arran­ger les scé­na­ristes. La mise en place souffre éga­le­ment de quelques lon­gueurs ; notam­ment, la séquence où Splinter découvre les tor­tues manque sacré­ment de rythme (ou tente exa­gé­ré­ment d’être émou­vante, je sais pas). Cependant, le plus gênant est que même les séquences de com­bat gardent l’a­ni­ma­tion sac­ca­dée des autres scènes, ce qui rend l’ac­tion dif­fi­cile à lire.

En dehors de cela, TMNT : Mutant may­hem est un film ani­mé d’ac­tion assez entraî­nant et agréable. Certes, il ne vole pas très haut, mais cette série n’a jamais pré­ten­du être autre chose qu’une dis­trac­tion paro­dique, jouant sur le contraste entre len­teur de la tor­tue et agi­li­té des nin­jas et entre stu­pi­di­té ado­les­cente2 et héroïsme. Du coup, le contrat est rempli.

  1. Me deman­dez pas quel débile a déci­dé que le titre « fran­çais » serait, je cite : « Ninja turtles : tee­nage years »… Note du Comité anti-tra­duc­tions foireuses
  2. Oui, comme le titre ori­gi­nal l’in­dique, les tor­tues nin­jas ont tou­jours été des ados. Ici, elles ont peut-être 16–17 ans, dans les autres adap­ta­tions elles devaient avoir 18–19 ans, mais elles ont tou­jours incar­né des sté­réo­types ado­les­cents. Ça rend com­plè­te­ment débile cette phrase d’un des diri­geants du stu­dio d’a­ni­ma­tion Mykros.Arnaud Philippe-Giraux : "la facette adolescente des personnages n'avait pas encore été exploitée." - capture d'écran des NumériquesHeureusement que les gens char­gés de l’a­ni­ma­tion ne s’oc­cupent pas du scé­na­rio, parce que mani­fes­te­ment ils ne connaissent rien aux Tortues nin­ja.