Everything everywhere all at once
|des Daniels, 2022, ***
C’est l’histoire de la patronne d’une blanchisserie, saturée par le travail et les contraintes, qui se retrouve tout d’un coup connectée aux autres versions d’elle-même — celles d’univers parallèles qu’un détail quelconque a jadis lancés sur une voie totalement différente. Elle découvre alors qu’un grand méchant veut écraser toutes les versions d’elle-même dans tous les univers, celles qui le combattent activement et sont prêtes à tout pour sauver le monde comme celles qui n’ont rien à voir avec le schmilblick et veulent juste marier leur progéniture et prendre leur retraite.
Je vois que la critique parle beaucoup de Matrix, et c’est évidemment une référence possible des auteurs-réalisateurs. Mais en fait, on est ici bien plus proche d’autres œuvres wachowskiennes : Cloud Atlas et surtout l’inoubliable Sense8. En effet, plus que « le type lambda d’un univers est le héros d’un autre », les Daniels jouent beaucoup sur « on est tous connectés, d’une personne et d’un univers à l’autre ». Evelyn n’est pas juste projetée dans un autre monde, elle est surtout liée à d’autres elle-même, chez qui elle acquiert des savoir-faire et des connaissances, exactement comme quand le simple chauffeur de bus apprend à se battre grâce à la prisonnière coréenne.
La narration est flamboyante, entraînante, nourrie de rebondissements et de gags divers et variés. On ne manque ni de répliques qui tuent, ni de bastons millimétrées, et le film pioche aussi bien chez Bruce Lee que chez les Monty Python, non sans se permettre un détour occasionnel chez Ken Loach ou Richard Curtis. C’est ainsi un gloubiboulga original, un tourbillon enjoué et touche-à-tout parfaitement réussi, mais…
Mais faut être honnête : Everything everywhere all at once a un peu du mal à conserver un fil conducteur. En particulier dans la deuxième moitié, il peine à faire progresser l’intrigue d’ensemble et l’enchantement ébouriffé initial cède la place à une sensation de bordel vaguement répétitif.
Ça n’empêche évidemment pas le film de rester entraînant, les acteurs d’exceller sur plusieurs registres, certains gags de marcher jusqu’au bout, certains retournements de prendre le spectateur et de le renverser comme une crêpe jusque dans les dernières minutes (vous ne verrez plus jamais les abords du grand canyon de la même manière). Mais il faut bien admettre qu’entre l’ouverture grandiose et le finale parfois magique, le film souffre d’un vrai passage à vide.