L’appel de la forêt

de Chris Sanders, 2020, **

C’est l’his­toire d’un gen­til tou­tou maous cali­for­nien, ven­du à un cher­cheur d’or au Klondike, puis à un fac­teur puis à un autre cher­cheur d’or, qui croise régu­liè­re­ment un vieux et fini­ra par trou­ver une louve.

Dit comme ça, vous avez l’im­pres­sion que c’est gen­til ? Ça l’est. Très gen­til même.

Genre le Klondike, ben y fait un peu froid mais ça va, et pis on dort la nuit et on court le jour. Je vous laisse regar­der une carte pour esti­mer la durée des nuits et des jours au Klondike1

Paysage du Klondike
Le Klondike, cette terre sublime et cha­leu­reuse. — pho­to 20th Century Studios

Genre les méchants sont méchants mais pas vrai­ment dan­ge­reux, les gen­tils sont gen­tils mais vrai­ment gentils.

Genre tra­ver­ser le Yukon en traî­neau, c’est un peu fati­gant mais c’est cool.

Genre la ges­tion de la hié­rar­chie dans une meute, tu fous la honte au vilain chef et hop, tu deviens chef et il part la queue entre les pattes.

Et je parle pas du comique facile posé çà et là pour faire rire les enfants — je vous ai dit qu’il y avait Omar Sy ?

Gentil, disais-je ?

Oh oui. Gentillet, même.

Harrison Ford dans L'appel de la forêt
Ah, donc c’est ça, un chien bat­tu ? — pho­to 20th Century Studios

Alors certes, il y a Harrison Ford, par­fait en vieillard un peu alcoo­lo bles­sé par la vie. Certes, il y a une paire de scènes très réus­sies. Certes, l’en­semble du film est abso­lu­ment magni­fique : Janusz Kamiński n’a plus rien à prou­ver depuis long­temps, mais il conti­nue à enchaî­ner les plans sublimes comme si c’é­tait normal.

Mais un scé­na­rio aus­si gen­tillet dans un envi­ron­ne­ment cen­sé être aus­si hos­tile, c’est un vrai para­doxe qui détruit un peu ce que le film vou­drait créer comme ambiance.

Et sur­tout, ce scé­na­rio est adap­té du roman épo­nyme. Qui, lui, était à la hau­teur de son cadre : gla­çant, tra­gique, bru­tal, injuste, cruel, féroce et bien sûr sau­vage. London avait pas­sé un an à se peler le cul au Klondike, à y cre­ver de faim et à y souf­frir du scor­but. Il est clair que ce n’est pas le cas de Michael Green, connu sur­tout pour ses par­ti­ci­pa­tions à l’é­cri­ture de séries télé, de Blade run­ner 2049, d’Alien Covenant et de Green lan­tern, qui semble plus adap­té aux Bisounours qu’à la vio­lente his­toire de Buck.

Spitz et Buck
Spitz, t’es méchant, alors tu quittes la meute. Merci, bisous. — pho­to 20th Century Fox

Tous les élé­ments un peu ambi­gus ou vrai­ment tra­giques du roman sont pas­sés à la trappe. Exit l’é­li­mi­na­tion de Spitz, oubliez la ven­geance après la mort de Thornton, plus de traî­neau ava­lé par les eaux de la White River avec hommes et chiens, plus de pattes déchi­rées par la mor­sure du froid…

Bref, ce machin édul­co­ré ne rend abso­lu­ment pas jus­tice au roman ou même tout sim­ple­ment aux dan­gers du Grand Nord. C’est facile, léger, pré­vi­sible. Heureusement, il y a Harrison et, sur­tout, les gra­phismes de Janusz.

  1. Pour les flem­mards, ça fait plus d’un mois qu’il n’a pas fait nuit à Dawson City.