夏へのトンネル、さよならの出口

de Tomohisa Taguchi, 2022, ****

La légende dit que là, pas loin de la petite gare de Kasaki, se trouve le tun­nel d’Urashima, qui per­met à celui qui y entre de voir son vœu le plus cher se réa­li­ser. Deux lycéens, Kaoru et Anzu, le trouvent par hasard. Lui veut res­sus­ci­ter sa sœur, dont la mort a détruit sa famille ; elle veut mener une car­rière de man­ga­ka, mal­gré le refus de ses parents. Ils com­mencent donc à explo­rer et ana­ly­ser le tun­nel, où le temps s’é­coule dif­fé­rem­ment et où même les SMS ne passent pas toujours…

Les héros devant l'entrée du tunnel
C’est bizarre cette fis­sure du rocher, on va voir ? — image CLAP

L’histoire elle-même est simple, voire sim­pliste. Elle joue sur des codes bien connus, tant dans la vie du lycée (la nou­velle dis­tante qui affronte la meneuse du gang de filles, un clas­sique que les Japonais déclinent de film en série depuis des décen­nies) que dans le tun­nel (pour les Japonais, le nom d’Urashima évoque immé­dia­te­ment une légende dont le per­son­nage découvre une terre mer­veilleuse, y passe quelques jours, et revient dans un monde où il s’est écou­lé plu­sieurs décen­nies). Et j’ai pas le temps de lis­ter les œuvres où deux lycéens très dif­fé­rents par­tagent une quête et se rap­prochent – ça devait déjà être un pon­cif du temps d’Homère.

Ce qui fait le charme de 夏へのトンネル、さよならの出口1, c’est donc pas son his­toire, mais le reste. En par­ti­cu­lier, son gra­phisme. La vraie vie est terne, morne, répé­ti­tive. Mais le des­sin qui la montre est sublime, de l’a­ni­ma­tion des gouttes (l’eau a un rôle essen­tiel, on se croi­rait chez Shinkai) aux tex­tures des nuages.

À l'intérieur du tunnel
Ouah, on en prend plein les yeux ici ! — image CLAP

Et le tun­nel, lui… Et bien, c’est l’op­po­sé de la vraie vie. Claquant, spec­ta­cu­laire, satu­ré, contras­té, sublime aus­si mais dans un registre radi­ca­le­ment dif­fé­rent. Il est d’au­tant plus sur­pre­nant d’y retrou­ver des élé­ments de dou­ceur et de déli­ca­tesse – après tout, le tun­nel est répu­té pour réa­li­ser des vœux.

Enfin, les per­son­nages, s’ils ne sont pas d’une ori­gi­na­li­té folle, sont éga­le­ment plu­tôt bien construits, et cer­tains détails sont assez sub­tils – notam­ment l’es­poir de rédemp­tion de Kaoru, qui se mani­feste régu­liè­re­ment sous des formes variées.

L’ensemble n’est pas immor­tel, notam­ment par la faute d’une séquence finale de mélo assez faible, mais c’est un ani­mé de qua­li­té, écrit sim­ple­ment et effi­ca­ce­ment, ryth­mé et beau. Ça ne mar­que­ra pas l’Histoire du ciné­ma japo­nais, mais c’est plu­tôt réus­si et fran­che­ment agréable.

  1. Vous connais­sez le prin­cipe : soit tu tra­duis, soit tu tra­duis pas. Dans le pre­mier cas, tu écris « Le tun­nel vers l’é­té, la sor­tie des adieux » ou un truc du genre. Dans le second cas, tu écris une série de kan­jis, de hira­ga­nas et de kata­ka­nas qui se pro­nonce « nat­su heno ton­nel, sayō­na­ra no degu­chi ». Notez que ça ne pose abso­lu­ment aucun pro­blème de tra­duc­tion : 夏 = été, への dit que ce qui pré­cède est une direc­tion ou une des­ti­na­tion, トンネル, c’est juste tun­nel écrit en japo­nais, etc. Si tu écris « Tunnel to sum­mer » sur une affiche fran­çaise, tu mérites un licen­cie­ment pour faute grave.