Nicky Larson — City Hunter : Angel Dust

de Kazuyoshi Takeuchi et Kenji Kodama, 2023, ***

Vous connais­sez Nicky et Laura. Il aime les jolies clientes à gros seins, elle aime les clients et clientes à gros ché­quier. D’habitude, ils galèrent à réunir leurs deux pas­sions, et Nicky l’emporte géné­ra­le­ment en accep­tant des dos­siers sans que Laura ait son mot à dire. Mais cette fois-ci, c’est le jack­pot : Angie est canon et riche. Mieux encore, la mis­sion devrait bien se pas­ser : elle veut juste qu’on retrouve son chat, star de YouTube, dis­pa­ru depuis quelques jours. Il ne devrait donc pas y avoir de grosse sur­prise, à part du côté de com­ment Nicky pour­rait bien arri­ver à désha­biller sa cliente, et com­ment Laura pour­rait bien l’en empêcher…

Laura et Nicky à la chasse au chat
Le chat le plus connu de YouTube, on le trouve, on est riches, fin du film ! — image Tsukasa Hojo / Coamix / City Hunter movie committee

La pre­mière par­tie a une énorme qua­li­té et une énorme fai­blesse. Son énorme qua­li­té : elle mise à fond sur le fan ser­vice, en mode « varia­tions sur un thème impo­sé ». Elle moder­nise et reprend toutes les recettes de la série, mul­ti­plie les clins d’œil, innove lorsque c’est utile, et l’en­semble est drôle, débile, drô­le­ment débile. Son énorme fai­blesse : elle mise à fond sur le fan ser­vice, genre « suite de gags pour qua­dras nos­tal­giques ». Sortie des scènes récur­rentes sur les obses­sions de Nicky, la voix de la (dé)raison du maillet de Laura et les visites sur les lieux emblé­ma­tiques de la série, elle ne pro­pose qu’une enquête pous­sive qui peine à avan­cer. On se sur­prend ain­si à attendre avec une cer­taine impa­tience l’i­né­vi­table rebon­dis­se­ment sur les motifs cachés de la cliente qui per­met­tra à l’his­toire de prendre enfin son vrai cap.

Soit dit en pas­sant, il y a dans cette pre­mière par­tie un truc qui m’a fait cri­ser : la pre­mière séquence, où les Cat’s Eyes pénètrent un endroit hau­te­ment sécu­ri­sé. Vous avez sans doute noté dans ma cri­tique de Signé Cat’s Eyes mes légères réserves sur l’é­vo­lu­tion de la sai­son 2. Bah là, on pour­suit sur la même voie, en creu­sant encore : Alex est désor­mais aus­si grande que ses sœurs, tout le monde a un bon­net E et une tenue des­ti­née à le mettre en valeur. Symboles de l’é­man­ci­pa­tion dans les années 80 (elles avaient trois corps bien dif­fé­rents, des carac­tères auto­nomes et des aspi­ra­tions per­son­nelles variées), voi­là les héroïnes trans­for­mées en sex-sym­bols bâties comme des cli­chés de man­ga bas de gamme. Franchement, l’é­ter­nelle obses­sion sexuelle de Nicky est beau­coup moins malai­sante que l’ob­ses­sion crois­sante des des­si­na­teurs suc­ces­sifs des Cat’s Eyes pour le modèle unique Lolo Ferrari. Fin de la paren­thèse, mais quand même, ren­dez-nous des filles nor­males, merde.

La deuxième par­tie de City Hunter : Angel dust est net­te­ment plus inté­res­sante. Des sol­dats shoo­tés aux nano­par­ti­cules deviennent hyper-per­for­mants au risque de griller sur place. Leur but : retrou­ver et éli­mi­ner Nicky, avec qui ils par­tagent une longue his­toire. Le rôle d’Angie devient plus com­plexe et maî­tri­sé,  les méchants sont sou­vent un peu plus ambi­gus qu’il y paraît, l’in­trigue évo­lue enfin, et sur­tout on retrouve enfin le Nicky qu’on aimait : débile et obsé­dé certes, mais impla­cable, effi­cace, et moins con qu’on le pense – oui, il est vrai­ment débile, mais il le sait et en joue pour détour­ner l’at­ten­tion. Ça nous mène à un finale ordi­nai­re­ment explo­sif, mais où on en apprend un peu plus sur Nicky, ses ori­gines, et com­ment il est deve­nu le chas­seur urbain sur­en­traî­né que nous connaissons.

Nicky sanguinolant dans sa Mini
Punaise, ça me sem­blait plus simple que ça de récu­pé­rer un chat… — image Tsukasa Hojo / Coamix / City Hunter movie committee

L’ensemble est donc para­doxal. Pas para­doxal comme Nicky, pué­ril et pro­fes­sion­nel, non ; plu­tôt para­doxal comme un film à moi­tié maî­tri­sé, où on a entas­sé comme on pou­vait toutes les scènes des­ti­nées à faire plai­sir aux fans de la pre­mière heure avant de com­men­cer à vrai­ment racon­ter une his­toire tota­le­ment dif­fé­rente. Du coup, la tona­li­té et la nar­ra­tion changent bru­ta­le­ment à mi-che­min, un peu comme si on avait une demi-heure de bandes-annonces avant d’at­ta­quer le film.

Ça ne fait pas un mau­vais film, on passe plu­tôt de bons moments, la réa­li­sa­tion est soi­gnée, et l’en­semble de l’in­trigue, s’il n’est pas très ori­gi­nal, est rai­son­na­ble­ment nar­ré. Mais c’est assez inégal et un petit éla­gage çà et là, quitte à renon­cer à tel ou tel aspect du fan ser­vice, aurait pu être utile.