Maniac
|de Patrick Sommerville et Cary Joji Fukunaga, 2018, ****
C’est l’histoire d’un schizo paranoïaque convaincu d’avoir une mission secrète, sur laquelle il est guidé par une copie imaginaire de son frère. Ayant besoin d’argent, il rejoint une cohorte pour l’essai clinique d’un médicament censé guérir tous les désordres psychologiques. Là, il croise une junkie asociale qui s’est infiltrée dans l’essai pour avoir accès aux drogues. Étrangement connectés, ils vont partager des expériences qui devraient être personnelles et remettre en question le traitement, au plus grand dam du toubib lui-même vaguement dérangé.
Comme The leftovers (sur laquelle Sommerville avait travaillé), l’histoire est difficile à raconter : c’est en fait une sorte de trip hallucinatoire, dans un univers vicieusement formicapunk contrôlé par une intelligence artificielle suffisamment avancée pour être elle-même psychotique (et qui rappelle par moments ce bon vieux HAL 9000). Outre le fil rouge, on passe de rêve en rêve en suivant la quête d’un lémurien volé dans les années 80, celle d’un chapitre perdu de Don Quichotte dans les années 30, celle d’un lac magique dans un monde d’heroic fantasy…
C’est complètement barré, rigoureusement réalisé tout en partant dans tous les sens, au fil d’un scénario qui lorgne beaucoup sur le polar mais passe par tous les chapitres d’Introduction à la psychanalyse.
Le truc chelou, c’est que si j’ai beaucoup aimé le regarder, je n’en ai quelques semaines plus tard qu’un souvenir confus, comme celui d’un rêve flou et vaguement absurde. C’est peut-être là sa plus grande réussite : Maniac ne présente pas seulement un rêve partagé entre ses personnages (à la Inception en quelque sorte), c’est un rêve partagé, les auteurs nous invitant dans le leur sans vraiment nous l’expliquer. Ça en fait une expérience originale, inracontable mais qui mérite d’être vécue.