Killjoys
|de Michelle Lovretta, depuis 2015, ****
Je sais plus si je vous ai déjà fait part de cette réflexion, mais le western et la science-fiction ont un point commun intéressant : ce sont à la fois des genres et des cadres — c’est-à-dire que d’un côté, ils imposent leurs thématiques, et de l’autre, il servent de décor à des œuvres basées sur les thématiques d’autres genres.
Ça a au moins une conséquence amusante : c’est qu’il peut y avoir des westerns de science-fiction (des histoires de cow-boys, d’Indiens, de terres à explorer et de bandits situées dans un univers technologique futuriste, genre Firefly) et des œuvres de science-fiction western (c’est-à-dire reposant sur des innovations technologiques et se déroulant dans l’Ouest américain du 19e siècle, style Les mystères de l’Ouest).
Killjoys a très clairement fait le choix : c’est un western de SF, dans son acception la plus pure. On suit une équipe de chasseurs de primes, qui traquent, arrêtent et parfois exécutent un-petit-peu-pas-méchamment-mais-bon-quand-même des fuyards que veulent les autorités, des bandits que recherchent les propriétaires lésés, etc. Comme tout bon chasseur de prime, ils travaillent pour qui paie (« the warrant is all », difficile à traduire, « warrant » désignant aussi bien un mandat d’arrêt qu’un ordre de mission ou un arrêt de mort) ; comme tout bon chasseur de prime, ils passent leur temps à fouiller les bistrots sales et les bordels sordides des villes poussiéreuses de la frontière ; comme tout bon chasseur de prime, ils courent d’une ville pauvre à une cité luxueuse avant d’aller chopper quelqu’un en cavale au milieu du désert ; et comme tout bon chasseur de prime, il leur arrive de remettre en question leur mandat pour suivre une cause plus juste.
Et tout ça, avec un vaisseau spatial à l’humour particulier (Lucy, le Jolly Jumper des killjoys), avec des armes laser, avec des sauts hyperspatiaux, avec une invasion extraterrestre et dans des décors qui oscillent entre Alien, Star Wars et The expanse.
Comme Firefly il y a quelques années, Killjoys joue sans vergogne la carte du fantasme fourre-tout : peu importe que ça soit crédible ou que ça tienne debout, tant que ça fonctionne. Les relations entre les membres du quatuor de l’affiche (oui, Lucy fait partie de l’équipe) sont stéréotypées et faciles, en particulier une fois tout le monde en place, après la première demi-saison. Les dialogues ne brillent pas toujours par leur finesse, les rebondissements sont plus artificiels que la cuisine d’Hervé This, la trame globale se perd parfois ou, à l’inverse, prend le pas sur l’histoire de chaque épisode… Oh, et le casting, s’il est fort sympathique, n’est pas toujours exemplaire, certains acteurs ayant tendance à faire un peu n’importe quoi sur certaines scènes.
Bref, objectivement, ça n’a rien de formidable.
Mais. c’est. fun.
Voilà, fallait le dire.
Killjoys n’a aucune autre prétention (même s’il glisse çà et là une petite pique antimachiste). C’est de la pure distraction, qui tourne sans temps mort, qui entraîne à coup sûr le spectateur pour peu qu’il sache goûter cet improbable mélange de saveurs. Aucun claquage de neurone n’est à attendre, mais on prend un vrai plaisir à se laisser aspirer dans ces aventures westerns d’une planète à l’autre. C’est un Paris-Brest aux myrtilles accompagné de chantilly et de gingembre : ça plaît pas à tout le monde, on peut pas dire que ce soit subtil ou équilibré, mais ça fait du bien quand ça arrive sur les papilles.