The expanse

de Mark Fergus et Hawk Ostby, depuis 2015, ***

Le space ope­ra est un genre un peu casse-gueule : il consiste à pré­sen­ter, géné­ra­le­ment à tra­vers plu­sieurs intrigues paral­lèles, un uni­vers com­plexe où la poli­tique s’é­tend sur plu­sieurs pla­nètes. Il néces­site donc une cohé­rence fac­tuelle irré­pro­chable sur­tout lorsque les dif­fé­rentes intrigues se recoupent, un tra­vail de concep­tion pour créer des décors cohé­rents mais dif­fé­rents d’une pla­nète à l’autre, un effort d’é­cri­ture pour pré­sen­ter cor­rec­te­ment les dif­fé­rents aspects de son uni­vers, et un tra­vail par­ti­cu­lier sur le pas­sage d’une intrigue à l’autre pour ne pas perdre le spec­ta­teur et, néan­moins, l’in­té­res­ser aux petits mor­ceaux d’his­toire dont on lui fait régu­liè­re­ment l’aumône.

Le flic un peu givré du film noir des 70's. - photo Rafy/Syfy
Le flic un peu givré du film noir des 70’s. — pho­to Rafy/Syfy

The expanse est un space ope­ra, sans dis­cus­sion pos­sible. Il mélange his­toires per­son­nelles (le flic véreux qui doit retrou­ver la fille d’un type, les sur­vi­vants d’un vais­seau qui errent dans une navette de secours, la poli­ti­cienne qui mani­pule son vieil ami l’am­bas­sa­deur…) et intrigues poli­tiques (les rela­tions entre Terre, Mars et les colo­nies de la cein­ture, la révolte latente des Ceinturiens contre la domi­nion ter­rienne, la peur per­ma­nente d’une guerre contre Mars…) dans un uni­vers qui s’é­tend des somp­tueux jar­dins ter­restres aux tré­fonds de vais­seaux-pou­belles per­dus dans l’es­pace. Il pro­fite de scé­na­rios plus tra­vaillés et de per­son­nages plus solides que Star wars (ce qui n’est pas dif­fi­cile) et trans­pose en fait la socié­té ter­restre, s’ins­pi­rant des guerres d’in­dé­pen­dance, de l’es­cla­vage minier post-indus­triel, de l’é­cart entre pays riches et tiers-monde et de l’ex­ploi­ta­tion des res­sources de ceux-ci par ceux-là. Quelque part, c’est un peu ce qu’on obtien­drait un injec­tant une lichette d’Alien et une dose de Battlestar Galactica dans un plat com­po­sé essen­tiel­le­ment d’un film noir des années 70, d’une his­toire de pirates et d’une reprise sérieuse de Révolte sur la Lune.

Le second qui veut pas devenir capitaine et la forte tête de service. - photo Rafy/Syfy
Le second qui veut pas deve­nir capi­taine et la forte tête de ser­vice. — pho­to Rafy/Syfy

Les ingré­dients sont bons, les inten­tions aus­si. La réa­li­sa­tion a des forces et des fai­blesses et, glo­ba­le­ment, est dans la veine des séries télé­vi­sées modernes : un pro­duit rela­ti­ve­ment cali­bré, avec des cliff­han­gers un peu pré­vi­sibles et des retour­ne­ments sans vraie sur­prise. Mais le vrai sou­cis, c’est la construc­tion des per­son­nages, qui donnent tous une pro­fonde, durable et inébran­lable impres­sion de déjà-vu. Le flic véreux est pré­sent dans la moi­tié des polars, le second-qui-veut-pas-com­man­der-mais-qui-com­man­de­ra-quand-même est le per­son­nage incon­tour­nable de la plu­part des séries modernes, on ne fait plus d’his­toire d’ac­tion sans le mus­clé ton­du vague­ment psy­cho­pathe de ser­vice, etc.

Du coup, l’en­semble dégage, plu­tôt qu’un sen­ti­ment d’u­ni­té tra­vaillée, l’im­pres­sion d’un patch­work d’élé­ments dis­pa­rates assem­blé sans vraie cohé­rence. C’est dom­mage, parce qu’il y a quelques très bonnes choses (les Ceinturiens habi­tués à une gra­vi­té réduite qu’on tor­ture en leur fai­sant sup­por­ter la sur­face ter­restre sans assis­tance, par exemple) et parce que l’en­semble est plu­tôt sym­pa­thique et entraî­nant. Mais il manque vrai­ment une touche de quelque chose d’o­ri­gi­nal pour lier la sauce.