La planète des singes : suprématie

rien-à-sau­ver de Matt Reeves, 2017

Cette fois-ci, il aura donc suf­fi de trois films.

Oui oui, je parle bien de l’a­néan­tis­se­ment de la fran­chise La pla­nète des singes. Dans les années 70, il avait fal­lu cinq épi­sodes. Si ça vous parais­sait rapide, regar­dez donc la per­for­mance de Matt Reeves, qui amé­liore le record avec une effi­ca­ci­té remar­quable : il a per­du deux étoiles par épi­sode depuis qu’il a pris la suite de Rupert Wyatt.

Nous marchions sur une plage, un peu comme celle-ci. C'était l'automne.
On sert à rien. Ah si : faire le lien avec celui de Charlton Heston. — pho­to Twentieth Century Fox

Le « pre­mier » La pla­nète des singes : les ori­gines était un block­bus­ter clas­sique, visant pour l’es­sen­tiel à four­nir une dis­trac­tion effi­cace, mais il se per­met­tait tout de même une ou deux réflexions et se dérou­lait dans un uni­vers pas trop mani­chéen, où hommes et singes pou­vaient être héroïques, bien inten­tion­nés, ou nui­sibles et sadiques. L’affrontement, lui, gar­dait cette dua­li­té par­ta­gée des deux espèces, mais oubliait tota­le­ment qu’il avait des humains et des singes : ça n’é­tait qu’un film d’ac­tion avec deux fac­tions oppo­sées, extrê­me­ment ordinaire.

Voilà donc le troi­sième, qui n’a qu’un seul et unique inté­rêt : après que les singes ont appris à par­ler, il fal­lait encore expli­quer pour­quoi les humains n’en sont plus capables avant de pou­voir lan­cer le pre­mier La pla­nète des singes, celui de 1968.

Pour le reste… Mon Dieu que c’est pesant.

Je sers à rien. Ah si, le pla­ce­ment pro­duit pour Chevrolet. — pho­to Twentieth Century Fox

Il y a deux gros pro­blèmes. Le pre­mier : la petite muette. Imaginez que vous soyez en train de chas­ser des tigres man­geurs d’hommes. Vous butez une tigresse et là, vous trou­vez un tigron. Vous vous dites « oh c’est tout meu­gnon il a peur de moi viens par là joli bébé », ou vous lui fou­tez un coup de pelle en tra­vers de la gueule en vous disant que sinon, dans trois ans, il va venir bouf­fer vos gosses ? Et ben ce que fait Maurice, le pote de César, c’est exac­te­ment la pre­mière ver­sion. Ils viennent faire la guerre, ils croisent une petite d’en­ne­mi qui va cre­ver natu­rel­le­ment si on la laisse tran­quille, mais ils s’en encombrent pour l’emmener sur le front. C’est inco­hé­rent sur un plan humain, enfin, simiesque, c’est inco­hé­rent sur un plan stra­té­gique, et ça n’est là que parce que le scé­na­riste vou­lait mon­trer que mal­gré son côté éner­vé César a tou­jours un cœur.

Le second : McCullough. Non que Woody Harrelson soit mau­vais, il fait son tra­vail avec son talent habi­tuel, mais son per­son­nage ne rime à rien. Fils natu­rel de Kurtz et d’un méchant de série télé, il n’existe que pour jus­ti­fier la guerre, d’a­bord en venant per­son­nel­le­ment buter des singes gen­ti­ment retran­chés dans une grotte, ensuite en étant très très méchant — tel­le­ment méchant qu’il tue des humains, ah ah, vous voyez comme il est méchant.

Je ne sers à rien. Ah si, à com­prendre pour­quoi Coppola avait à peine mon­tré Kurtz plu­tôt que de le faire cau­ser la moi­tié du film. — pho­to Twentieth Century Fox

Passons sur le fait que les mili­taires n’ont même pas pen­sé à jeter un œil aux plans de leur propre base, ou à l’ex­plo­rer un peu, his­toire de voir si par hasard il y aurait des sou­ter­rains qu’il serait utile de sécu­ri­ser : ils bâtissent un mur mons­trueux, mais ça ne les dérange pas de lais­ser une porte grande ouverte. Passons sur le fait que les autres humains ne servent fina­le­ment abso­lu­ment à rien, sinon à dire que McCullough est déci­dé­ment très méchant et à envoyer des Apache se faire des­cendre — j’en­tends la petite voix du res­pon­sable des effets spé­ciaux, « hey Matt, j’ai envie de des­si­ner des héli­co­ptères en flammes, je peux, dis je peux ? » Passons sur les dia­logues à la noix, à la fois creux et ver­beux, et les retour­ne­ments de situa­tion abso­lu­ment débiles comme la gran­diose scène du « Ils peuvent me tuer, ne repre­nez pas le tra­vail, je pré­fère mou­rir en mar­tyr ! — Oh ben non, alors, tous au bou­lot, les malades et les enfants aus­si, hop hop hop ! » Passons sur Méchant Singe, qui rap­pelle tel­le­ment un héros du Seigneur des anneaux qu’on est sur­pris de ne pas le voir sau­ter dans un vol­can à la fin.

Je sers à rien. Ah si : mon­trer que Serkis est pas le seul à pou­voir jouer Gollum. — pho­to Twentieth Century Fox

Passons sur ces petits détails ridi­cules, et on s’a­per­çoit d’un truc : on a pas­sé sur tout le film.

Alors évi­dem­ment, la réa­li­sa­tion est impec­cable, le mon­tage est ryth­mé, les effets spé­ciaux sont gran­dioses, la pho­to est belle, tout ça. Mais le plus beau châ­teau de cartes du monde ne tient pas debout s’il est construit sur une bouche de métro.