Zootopie
|de Byron Howard, Rich Moore et Jared Bush, 2016, ****
Dans un univers merveilleux où tous les mammifères, anciennes proies et anciens prédateurs, ont appris à cohabiter pacifiquement, ce sont les gros costauds qui assurent la sécurité publique. Les gros costauds et une lapine, jeune, ambitieuse, idéaliste, qui a décidé de devenir flic contre toute logique et qui va mettre sa naïveté à l’épreuve de la vie — en commençant par se faire escroquer par un renard.
Sur la trame générale, Zootopie n’est pas révolutionnaire : c’est l’histoire classique du jeune naïf qui débarque dans l’univers impitoyable de la ville, est méprisé par ses collègues, mais finit à force d’acharnement par faire ses preuves. C’est également l’histoire tout aussi habituelle de l’enquête sur une simple disparition qui met au jour un terrible complot mondial. C’est enfin l’histoire fort ordinaire du duo flic idéaliste — loubard cynique. Le tout est conçu pour équilibrer scènes d’action et diffusion auprès de jeunes enfants, donc les passages potentiellement angoissants ne durent pas trop et sont rapidement allégés (les loups sont des gros crétins qui peuvent pas s’empêcher de hurler dès que quelqu’un hurle, par exemple) et les ressorts généraux sont suffisamment gros pour qu’un élève de cours élémentaire suive.
Il y a tout de même un soin des détails appréciable et quelques scènes réellement bien vues, comme l’inénarrable administration bureaucratique tenue par des paresseux que l’on voit dans toutes les bandes-annonces. Ce n’est pas la seule : la réaction de la fliquette bien coincée quand elle arrive chez les hippies nudistes vaut également son pesant de carottes.
Et les adultes ? Et bien, on fait ce qu’il faut pour qu’ils ne s’ennuient pas. Le deuxième réalisateur, Rich Moore, sait parler aux trentenaires : il a pondu Les mondes de Ralph rien que pour nous. Et ici aussi, il glisse une foule de références, en particulier des clins d’œil aux films et séries télé des années 80–90 : vous retrouverez un bébé façon Qui veut la peau de Roget Rabbit ?, des visites de flics chez les zazous qui auraient un faux air de Starsky et Hutch, tout un excellent passage copié sur Le parrain, etc. On appréciera également quelques petites piques bienvenues envers les préjugés et les idées reçues, transposés avec soin dans l’univers des mammifères (les renards menteurs et manipulateurs, les lapins tellement mignons, les éléphants à la mémoire infaillible, etc.).
Si la trame de base est un peu convenue (voire totalement), on notera également avec plaisir une thématique qui fait du bien par les temps qui courent : dans toute la ville de Zootopie, il y a à tout casser quelques dizaines de prédateurs ensauvagis, mais toutes les proies terrorisées discriminent massivement les milliers de prédateurs civilisés, avec les applaudissements des autorités qui profitent de la situation. Toute ressemblance avec des politiciens qui instrumentalisent et amplifient la peur de la population pour arriver à leurs fins serait sans doute fortuite… C’est peut-être un peu tard, mais si on construit une génération de gamins capables de se poser des questions quand ils entendent un discours de Nicolas-Manuel Trump, ça peut toujours être utile pour les présidentielles de 2032.
Dans l’ensemble, Zootopie est donc un honnête divertissement, qui ne bouleverse pas l’histoire de la philosophie mais qui tourne bien, faire rire à coup sûr, entraîne sans faillir, et repose sur des messages finalement assez sains. Si vous voulez emmener votre enfant au cinéma, il vaut mieux aller voir ça que Belle et Sébastien ou même Le garçon et la bête.