La cinquième vague

suite de rebon­dis­se­ments impro­bables de Jonathan « J » Blakeson, 2015

« Je me demande ce que l’an­cienne Cassie pen­se­rait de moi. » C’est la nou­velle Cassie qui se demande ça. Faut dire que l’an­cienne Cassie avait tout de l’a­do­les­cente sans inté­rêt, vous savez, celle qui n’est ni moche, ni drôle, ni stu­pide, ni douée, ni mal dans sa peau, ni popu­laire, celle qui passe au fond du cou­loir de 21 Jumpstreet mais qui n’a même pas une réplique de toute la série. Alors que la nou­velle Cassie, elle, shoote tran­quille­ment un type parce qu’elle ne voit pas sa main et qu’on ne peut prendre aucun risque dans cet uni­vers impitoyable.

Le tout, en 24 h chrono.

Cassie lundi : "Hey Minet, t'en as une jolie coque de téléphone." (sic) - photo Sony pictures
Cassie lun­di : « Hey Minet, t’en as une jolie coque de télé­phone. » (sic) — pho­to Sony pictures

Il y a des gens qui cri­tiquent l’é­vo­lu­tion des per­son­nages dans The wal­king dead, disant que c’est pas nor­mal que Carol, femme bat­tue effa­cée, devienne une tueuse impla­cable en deux sai­sons ou que Beth, gamine incon­so­lable un peu aga­çante, se trans­forme en ado débrouillarde, vive et effi­cace. Là, on est deux éche­lons au-des­sus : le lun­di, Cassie est comme Eugene, per­sonne banale et sans carac­tère qui subit sa vie et a confiance en son pays et ses auto­ri­tés ; le mar­di, elle est Daryl, capable de fuir les mili­taires, de prendre une balle, de se plan­quer et d’al­ler cher­cher son flingue dans la seconde qui suit.

Évidemment, quand un per­son­nage aus­si sub­ti­le­ment construit est le centre d’un film, ça peut poser un petit pro­blème. Dieu mer­ci, les auteurs ont trou­vé une recette simple pour conser­ver l’é­qui­libre : l’en­tou­rage de l’hé­roïne est tout aus­si cré­dible. On a ain­si tout un lot de gamins qui, de gen­tils émo­tifs, deviennent des as du M16 en une semaine dans une base mili­taire (là, j’ai l’im­pres­sion d’a­voir tout raté en tant que pion, quand mes petits sixièmes conti­nuaient au bout d’un mois à choui­ner pour leurs parents alors qu’ils les avaient au télé­phone un soir sur deux). On a un extra-ter­restre beau gosse qui a bru­ta­le­ment déci­dé que oui, l’a­mour est réel (tex­to, j’exa­gère même pas) et que donc faut sau­ver les humains de l’in­va­sion. On a le minet de ser­vice qui fait baver l’an­cienne Cassie et qui, comme par hasard, devient un meneur d’hommes, enfin d’en­fants, enfin un chef de sec­tion quoi. Et on a l’a­do­les­cente rebelle par excel­lence qui remet en ques­tion le poste de Minet puis qui devient son bras droit, comme ça hop.

Cassie mardi : "Bouge pas, montre tes mains lentement, ou je tire." - photo Sony pictures
Cassie mar­di : « Bouge pas, montre tes mains len­te­ment, ou je tire. » — pho­to Sony pictures

Le per­son­nage le plus réa­liste, fina­le­ment, c’est le péque­not du mid­west qui semble chez lui dans le camp dans la forêt, qui refuse de suivre l’ar­mée lors­qu’elle veut emme­ner tout le monde à l’a­bri, et qui finit par sor­tir son flingue en pleine réunion et fait donc buter tout le monde. Ce mec existe, il occupe actuel­le­ment le refuge natio­nal de Malheur, Oregon (si ce n’est lui, c’est donc son frère).

Question d’é­qui­libre tou­jours, le scé­na­rio est aus­si sub­til que les per­son­nages. C’est donc une suite de scènes mon­trant toute l’in­tel­li­gence de Cassie (« tiens, le bus va par­tir, okay Ptifrère, tu bouges pas, je vais cher­cher ta peluche et je reviens ») et des autres per­son­nages (« aaah, Rebelle, t’as tou­ché ton cou et main­te­nant t’es mar­quée comme alien, je vais te buter, sale alien ! »), entre­cou­pées de rebon­dis­se­ments dont la pro­ba­bi­li­té d’oc­cur­rence est de l’ordre de 1/∞. Au hasard : l’ar­mée regroupe plu­sieurs mil­liers d’en­fants, mani­fes­te­ment pas par ori­gine puis­qu’ils ne se connaissent pas, mais Minet et Ptifrère tombent dans la même sec­tion. Puis Minet fait comme par hasard par­tie des cinq gamins, sur plu­sieurs mil­liers, qui découvrent la super­che­rie. Au pas­sage, tous les gamins retirent leur puce sous-cuta­née avec les doigts sans for­cer, et la remettent au besoin. Et quand Minet revient cher­cher Ptifrère, il arrive pile au moment où Cassie se pointe avec Bogosse, et per­sonne ne s’é­tonne qu’il y ait une blonde en uni­forme au milieu des troupes en pyja­ma ni qu’elle embarque un seul gamin de tout le troupeau.

Ce moment n'a statistiquement aucune chance de se produire. Donc il se produit. - photo Sony pictures
Ce moment n’a sta­tis­ti­que­ment aucune chance de se pro­duire. Donc il se pro­duit. — pho­to Sony pictures

Et évi­dem­ment, Bogosse est un méchant, mais un méchant gen­til qui croit à l’a­mour, alors il est gen­til, mais je crois avoir déjà signa­lé à quel point cet élé­ment est risible.

Ajoutons des effets spé­ciaux déjà vus, fina­le­ment peu convain­cants à force de cher­cher à être spec­ta­cu­laires, des acteurs en roue libre qui peuvent être très bons dans une scène et pour­ris dans la sui­vante (et oui, Moretz et Schreiber ont besoin d’être diri­gés pour être bons), et on a presque un car­ton plein. Et évi­dem­ment, mon petit plai­sir per­son­nel, c’est la demi-dou­zaine de C‑5 qui décollent l’un der­rière l’autre, comme si c’é­tait tran­quille de s’é­lan­cer dix secondes der­rière un avion de 400 tonnes (même les Alpha-Jet de la Patrouille de France laissent plus d’é­cart, et ils font à peu près 1/100 de cette masse).