Les anarchistes

d’Élie Wajeman, 2014, ***

Jeune, ambi­tieux et sans famille : le bri­ga­dier Jean Albertini a toutes les qua­li­tés pour une mis­sion d’in­fil­tra­tion. Il est donc envoyé dans une clou­te­rie pour se rap­pro­cher d’Élisée Mayer, un des meneurs d’un groupe d’a­nar­chistes qui parlent de prendre les armes et de voler les bourgeois.

La suite est assez évi­dente : c’est un trio sen­ti­men­tal sans grande ori­gi­na­li­té que Wajeman explore, en le mâti­nant d’un double-jeu poli­cier lui-même fort clas­sique. Tout le monde fait plu­tôt bien son tra­vail : les acteurs sont bons (le côté exa­gé­ré­ment naïf d’Exarchopoulos peut aga­cer un peu, le mono­li­thisme téné­breux de Gouix aus­si, mais dans l’en­semble ça passe), la pho­to est propre et agréable, la recons­ti­tu­tion est sym­pa­thique et je n’ai pas vu d’a­na­chro­nisme trop criant (en même temps, la Belle époque n’est pas loin s’en faut ma période de pré­di­lec­tion), le mon­tage et réa­li­sa­tion sont effi­caces… Le film souffre d’une fai­blesse au niveau des dia­logues, dont le lan­gage très sou­te­nu rap­pelle le théâtre plus que le ciné­ma, mais il est dans l’en­semble tech­ni­que­ment réussi.

Assis par terre en picolant pour refaire le monde : les anarchistes de 1900 ressemblent beaucoup aux étudiants de 2000, finalement. photo Matthieu Ponchel
Assis par terre en pico­lant pour refaire le monde : les anar­chistes de 1900 res­semblent beau­coup aux étu­diants de 2000, fina­le­ment. pho­to Matthieu Ponchel

Son pro­blème, c’est que fina­le­ment il ne fait qu’ef­fleu­rer ses dif­fé­rents sujets. Un exemple : l’an­cienne maî­tresse de Jean, qu’il croise dans un bar et ris­que­rait de détruire sa cou­ver­ture ; éva­cuée en deux phrases, elle ne laisse fina­le­ment aucune trace, ni dans son esprit, ni dans celui de ses cama­rades, lais­sant l’a­morce de sus­pense retom­ber immé­dia­te­ment. Le dénoue­ment lui-même n’offre fina­le­ment guère de ten­sion et laisse le spec­ta­teur retour­ner à ses acti­vi­tés ordi­naires sans plus l’im­pli­quer que cela.

Il y avait un poten­tiel pour faire un film ner­veux, un thril­ler hale­tant ou un polar psy­cho­lo­gique ; il y avait même matière à faire un tri­angle amou­reux ten­du. Mais fina­le­ment, c’est une dis­trac­tion agréable et vague­ment insi­pide qui nous est servie.