Le royaume des chats

de Hiroyuki Morita, 2002, ***

Chez Ghibli, le tour­nant du siècle est une période de doutes. Hayao Miyazaki, dieu vivant du stu­dio, a pré­pa­ré soi­gneu­se­ment sa suc­ces­sion, lais­sant Yoshifumi Kondō réa­li­ser Si tu tends l’o­reille et se concen­trant sur Princesse Mononoke — après lequel il prend un peu de dis­tance avec son tra­vail. Mais Kondō meurt en 98, obli­geant le stu­dio à cher­cher un plan B. Takahata, qui n’a plus réa­li­sé depuis quatre ans, remet le cou­vert avec le très raté Mes voi­sins les Yamada, avant que ne com­mence une valse étrange où Miyazaki annonce sa retraite qua­si­ment à chaque film et où les œuvres du maître alternent avec des « tests » de réa­li­sa­teurs plus jeunes.

C’est ain­si que dans la fou­lée du « pre­mier der­nier » film de miya­za­ki, Le voyage de Chihiro, c’est l’a­ni­ma­teur Hiroyuki Morita qui est char­gé de réa­li­ser Le royaume des chats, qui sort en 2002 au Japon et reste à ce jour son seul long-métrage.

Une jeune fille ordi­naire, un uni­vers fan­tas­tique : recette clas­sique. — image Studio Ghibli

Sur le papier, la recette est un grand clas­sique miya­za­kesque : une jeune, vivant dans un monde réel très ordi­naire, est pro­je­tée dans un uni­vers fan­tas­tique pour une quête ini­tia­tique. Sortir un an après Le voyage de Chihiro a sans doute été un tort sup­plé­men­taire, impo­sant presque la com­pa­rai­son entre les deux films — for­cé­ment injuste, l’un étant le der­nier chef-d’œuvre d’un dieu retrai­té et l’autre la pre­mière œuvre d’un tren­te­naire anonyme.

Oublions donc, autant que faire se peut, cette encom­brante paren­té, et obser­vons Le royaume des chats.

Imaginez que ces ani­maux qui nous gou­vernent, avec leurs ron­ron­ne­ments si meu­gnons et leur auto­ri­té fac­tice si émou­vante  — enfin, fac­tice… Ils obtiennent ce qu’ils veulent, non ?… Bref, ima­gi­nez que ces salo­pe­ries de gref­fiers soient en fait doués d’in­tel­li­gence, de parole et de struc­ture sociale. Les chats ont un gou­ver­ne­ment, un roi, un minis­tère, et il faut pour s’y rendre pas­ser par des che­mins secrets cachés aux humains ordi­naires. Oui, exac­te­ment comme les sorciers.

Sauver un chat : une idée ter­rible. — image Studio Ghibli

C’est l’u­ni­vers décou­vert par une jeune fille qui, gen­ti­ment mais un peu stu­pi­de­ment, sauve le fils du roi des chats : ceux-ci lui en savent gré, mul­ti­plient les offrandes et l’in­vitent à visi­ter leur royaume.

L’histoire est donc un conte fan­tas­tique assez clas­sique, plu­tôt bien mené, avec une dose d’hu­mour fran­che­ment réus­si qui fera sou­rire petits et grands. Ceux-ci peuvent être un peu frus­trés de ne pas trou­ver un deuxième niveau de lec­ture : c’est une aven­ture assez simple qui suit son sujet sans s’é­par­piller, avec des héros, des méchants et peu d’am­bi­guï­tés. Mais c’est plu­tôt bien mené, l’a­ni­ma­tion et les gra­phismes sont clas­siques et soi­gnés, le rythme est géné­ra­le­ment irré­pro­chable et quelques scènes d’une poé­sie assez envoû­tante com­pensent effi­ca­ce­ment les pas­sages siru­peux à la Disney.

Rien de vrai­ment bou­le­ver­sant, en somme, mais c’est tout à fait regar­dable et tout fonc­tionne sans accroc.