ゴジラ‑1.0

de Takashi Yamazaki, 2023, ****

Pas facile d’a­voir peur de la mort quand on fait par­tie d’une tokkō­tai : Kōichi a feint un pro­blème méca­nique pour ne pas aller au bout de sa mis­sion. Mais lors­qu’il par­vient à ren­trer à Tokyo, il n’est pas accueilli à bras ouverts : non seule­ment sa mai­son est détruite et ses parents sont morts, mais Sumiko, sa voi­sine qui a per­du mari et enfants dans les incen­dies, blâme les lâches comme lui qui ont déser­té. Il ne reste pour­tant plus qu’à essayer de recons­truire, en com­men­çant par assem­bler des tôles pour pro­té­ger les sur­vi­vants, abri­ter une jeune femme accom­pa­gnée d’un bébé, net­toyer les bar­rages de mines mouillées pen­dant la guerre au large du Japon…

Les ruines de Tokyo
Il reste rien, et presque per­sonne : bien­ve­nue à Tokyo à l’é­té 1945. — cap­ture de bande-annonce Toho

Vous avez vu écrit « Godzilla » sur l’af­fiche, vous connais­sez donc le sujet du film : un monstre lié au nucléaire va détruire Tokyo (ou d’autres villes, de pré­fé­rence du Pacifique mais Emmerich l’a­vait envoyé jus­qu’à Manhattan) avec plein d’ef­fets spé­ciaux, d’im­meubles pul­vé­ri­sés et de bas­tons spectaculaires.

Autant vous le dire tout de suite, ce « Godzilla moins un« 1 sort du moule – et pas seule­ment parce qu’il se place avant le pre­mier Godzilla de 1954. Il parle en effet beau­coup plus de recons­truc­tion que de des­truc­tion. D’ailleurs, il fait régu­liè­re­ment dans l’an­ti-spec­ta­cu­laire : s’il sacri­fie au stan­dard nar­ra­tif de la scène d’ac­tion dans l’ou­ver­ture, sa pre­mière par­tie tourne essen­tiel­le­ment autour du com­plexe du sur­vi­vant de Kōichi, de sa vie avec Noriko et Akiko, de la rage de Sumiko et de la façon dont elle va quand même s’im­pli­quer pour ten­ter de rebâ­tir une socié­té à par­tir des ruines, de la renais­sance de la cama­ra­de­rie avec les autres marins du dra­gueur de mines. Toute cette par­tie est en fait presque plus proche d’un Loach ou d’un Koreeda que d’un film de kai­jus classique.

Noriko et Akiko au milieu des ruines
Deux ans ont pas­sé, on rebâ­tit peu à peu… — pho­to Toho

Et puis la par­tie que tout le monde atten­dait com­mence. Mais en dou­ceur, de loin. On n’a d’a­bord que les échos des attaques de navires par un monstre marin. On n’en voit que ce qu’il faut pour bien com­prendre qu’il va être qua­si­ment inar­rê­table. Et si un pas­sage explo­sif marque la fin du pre­mier acte, il se déroule au large et reste rela­ti­ve­ment sobre. La ren­contre entre Godzilla et l’ar­chi­tec­ture ter­restre est ain­si retar­dée jus­qu’en 1947, et la moi­tié du film est pas­sée dans une ambiance de ten­sion crois­sante lors­qu’il met pied à terre pour la pre­mière fois.

La suite est logi­que­ment plus clas­sique : Godzilla bou­sille une ville, un plan est mis en place pour essayer de le détruire, et puis bas­ton finale. Mais clas­sique ne veut pas dire sans inté­rêt : le plan est ori­gi­nal, plus Le monde du silence que Godzilla 2, et les auteurs ont un peu tra­vaillé leur sujet pour limi­ter le nombre d’in­co­hé­rences fla­grantes. C’est tout con, mais m’ex­pli­quer qu’on a reti­ré des canons de 30 mm pour mettre une bombe à la place tout en conser­vant l’é­qui­libre d’un avion, ça m’aide mieux à y croire que quand on fait par­tir un Raptor en vrille sans aucune rai­son.

Gens fuyant les pieds de Godzilla
Bon, je vous mets quand même la pho­to incon­tour­nable de tout Godzilla. — pho­to Toho

Le résul­tat est donc sur­pre­nant, éton­nam­ment bon. Bien enten­du, il offre tout ce que le fan de kai­jus attend, mais la par­tie humaine et déli­cate n’est pas un simple ali­bi pour lier les scènes qui pètent – on pour­rait même pen­ser que c’est le contraire, les séquences spec­tacle et fan ser­vice étant des inter­mèdes des­ti­nés à allé­ger le vrai sujet du film, la recons­truc­tion et la rédemp­tion. S’il en fait par­fois un peu trop, notam­ment sur la culpa­bi­li­té du sur­vi­vant, il offre de vrais per­son­nages dont les rela­tions et les convic­tions évo­luent au fil des années, au lieu de robots qui déclinent leurs sté­réo­types d’une scène à l’autre. Et la mon­tée de la ten­sion très bien gérée, un peu façon Les dents de la mer, fera vite oublier les débauches d’ex­plo­sions des films venus de l’autre côté du Pacifique.

  1. Distribué sous le titre « fran­çais » Godzilla minus one chez nous, mais vous connais­sez ma posi­tion : soit tu tra­duis, soit tu tra­duis pas, bordel !