Fast & Furious 9

gre­nade au plâtre de Justin Lin, 2021

Après la sombre bouse de James Wan et le retour à l’or­di­naire (mais avec un bon gym­naste) de F. Gary Gray, Fast and furious revient en quelque sorte aux sources : c’est Justin Lin, connu pour avoir pon­du les épi­sodes 3 à 6 et lar­ge­ment défi­ni les canons de la série, qui reprend la réalisation.

Le père Toretto dans sa Nascar
C’est dingue la dif­fé­rence de com­pé­tence entre les métiers. Les effets spé­ciaux ont soi­gné les moindres détails des reflets, le flare, les filets de sécu­ri­té qui volent, tout ça. Mais le scé­na­riste a pas pen­sé à faire relire son script à un chim­pan­zé pour qu’il lui explique les inco­hé­rences. — pho­to Universal Pictures

Ça com­mence un peu comme Cars et Jours de ton­nerre, avec des voi­tures de Nascar qui tournent en rond sur un anneau. En l’oc­cur­rence, des Gen 3, for­cé­ment, vu que ça reste les Nascar les plus rapides de l’his­toire (342 km/h en qua­lif à Tallageda). Mais sur un « short track » de 1/2 mile, parce que la pro­duc­tion avait pas les moyens de blo­quer Tallageda. Et donc, comme c’est un Fast and furious, faut que ça pète d’en­trée ; et dans le rôle du truc qui pète, on trouve Pôpa, qui finit en méchoui au court du crash le plus mal bran­lé de l’his­toire du cinéma.

Je veux dire, déjà, à la base…

Attendez, c’est l’heure du petit aver­tis­se­ment. Donc, je vais vous spoi­ler éhon­té­ment le prin­ci­pal rebon­dis­se­ment du film. Même si, en toute fran­chise, le scé­na­rio est tel­le­ment sub­til que si par acci­dent vous allez voir ça, vous com­pren­drez ce retour­ne­ment de la deuxième heure dès la qua­trième minute, avant même que Pôpa joue à Jeanne d’Arc. Donc, comme d’hab pour les spoi­lers, je vais vous mettre ça en blanc, sélec­tion­nez-le si vous vou­lez le lire, sau­tez-le si vous vou­lez vous pré­ser­ver cette abso­lue non-surprise.

Je disais donc : déjà, à la base, si vous accep­tez de perdre volon­tai­re­ment une course pour rem­bour­ser vos dettes, vous faites quoi ? Vous atten­dez un quart de seconde pour écra­ser l’ac­cé­lé­ra­teur à la sor­tie du virage 2, et vu les écarts en Nascar vous savez très bien que ça vous fait perdre trois places sur la ligne d’ar­ri­vée. Ou bien, pour faire plus cré­dible, vous don­nez déli­bé­ré­ment le petit coup de volant de rien du tout qui vous met sur une tra­jec­toire un poil trop large et donne le même résul­tat. Pôpa, lui, choi­sit une solu­tion plus ori­gi­nale : il demande à Fiston n°2 de per­cer son admis­sion d’air. Le moteur tourne alors trop pauvre, la puis­sance est plus faible et il va se faire dou­bler. Si vous trou­vez ça com­plè­te­ment con, c’est nor­mal. Mais pour cou­ron­ner le tout, Méchanttrèsméchant vient lui mettre un coup de pare-chocs, la voi­ture de Pôpa finit dans le mur et explose, parce que c’est bien connu : quand un mélange est trop pauvre, toute l’es­sence que le moteur n’a­vale pas sort tout de même gaie­ment du car­bu­ra­teur et trans­forme votre voi­ture en barbecue.

Chers scé­na­ristes, un jour, va fal­loir que vous com­pre­niez un truc : si vous n’y connais­sez rien, évi­tez de mettre des expli­ca­tions tech­niques. Laissez le truc dans l’ombre. Dites que voi­là, l’o­pé­ra­tion a ce résul­tat, sans détailler. Parce que là, vous pas­sez pas seule­ment pour des types qui se fichent de trou­ver une expli­ca­tion cré­dible à l’ac­ci­dent : vous pas­sez en plus pour des abru­tis finis.

Dom et Jakob Toretto dans un salon renaissance
— Bonjour, je suis Dom, je dis tou­jours que la famille, c’est sacré, on peut pas lui tour­ner le dos.
— Bonjour, je suis Jakob, j’ai été ban­ni par mon frère, le type ci-contre…
- pho­to Universal Pictures

La suite est du même niveau, avec Dom qui répète en boucle que rien n’est plus impor­tant que la famille alors que ban­nir son frère de sa vie est lit­té­ra­le­ment le pre­mier truc qu’il fait dans le film. Puis on voit débar­quer un type que tout le monde croyait mort, et un autre qui est cen­sé être mort pour de vrai c’est sûr abso­lu­ment irré­ver­sible. C’est un peu iro­nique : les épi­sodes 4 à 7 étaient pla­cés avant le troi­sième jus­te­ment pour pou­voir uti­li­ser un per­son­nage sans inven­ter une his­toire de résur­rec­tion à s’ar­ra­cher les che­veux. Le 9, lui, trouve non seule­ment le moyen de faire reve­nir un héros avec une résur­rec­tion à s’ar­ra­cher les che­veux, mais pousse le bou­chon jus­qu’à ajou­ter une adop­tion à se taper la tête contre les murs. Et comme après belote et rebe­lote, il y a dix de der, l’a­dop­tée est la clef ultime du film.

Pontiac Fiero avec fusée et boosters
Bon, je pense qu’on a tout ce qu’il faut pour enchaî­ner deux ren­dez-vous spa­tiaux. — pho­to Universal Pictures

Et tant qu’on est dans le cré­dible, notez que si vous col­lez un moteur-fusée et un réser­voir d’en­vi­ron 3 m³ sur une Pontiac Fiero, vous pou­vez aller en orbite et faire un ren­dez-vous spa­tial avec l’ISS. Je me demande pour­quoi on paie autant d’in­gé­nieurs à cal­cu­ler des tra­jec­toires et à construire des vais­seaux gigan­tesques, alors qu’il suf­fit qu’un type qui a trop regar­dé MacGyver prenne une voi­ture qui rêvait d’être K2000, y enferme les deux blacks qui se vannent depuis trois films et envoie tout ça n’im­porte où.

Franchement, j’es­père qu’Odieux Connard ne ver­ra pas ce film : il risque de cas­ser sa boîte à « ÇA ALORS ». Et vu qu’on annonce déjà qu’il y aura un dixième opus, il en aura sans doute encore besoin.

Quant à vous, si vous déci­dez contre toute rai­son d’al­ler le voir, j’es­père que vous pour­rez comme moi y uti­li­ser la der­nière entrée gra­tuite de votre carte1, parce que payer pour voir ça, ça ferait sérieu­se­ment mal au cul.

Dom et Brian sur le Balwin speedway
— Tu vois fis­ton, c’est ici que ton grand-père est mort. Souviens-toi que la famille, c’est sacré.
— Okay papa, mais dis, c’est quoi une épa­na­di­plose lour­dingue ?
- pho­to Universal Pictures

Bon, je cri­tique, je cri­tique, mais il y a tout de même une scène qui fonc­tionne pas mal : celle où on retrouve le meilleur tei­gneux de la série en plein entraî­ne­ment. Le pro­blème, c’est que cette scène n’a rien à voir avec le film, et qu’il faut sup­por­ter 2 h 20 de navet et 5 min de géné­rique avant de la voir.

  1. Oui, celle sur laquelle j’a­vais char­gé 15 entrées avant le pre­mier confi­ne­ment… Ça m’a­vait jamais pris aus­si long­temps de faire quinze séances…