暗殺教室

de Noriko Ozaki et Seiji Kishi d’a­près Yūsei Matsui, 2015–2016, ****

Nous sommes une classe d’as­sas­sins. Notre cible : le professeur.

Les élèves de 3e E du col­lège de Kunugigaoka n’ont pas de bol. D’abord, ils sont les souffre-dou­leur offi­ciels de l’é­cole : le prin­ci­pal y a réuni les cancres et les élèves à pro­blèmes, les a relé­gués dans un vieux bâti­ment déla­bré, encou­rage bri­mades et moque­ries à leur encontre, et menace les élèves des autres classes de les y envoyer pour les pous­ser à tra­vailler. Ensuite, leur prof prin­ci­pale est morte. Enfin, leur nou­veau pro­fes­seur est… particulier.

En effet, après l’ex­plo­sion de 70 % de la Lune, une sorte de Cthulhu au sou­rire cris­pé a contac­té le gou­ver­ne­ment japo­nais : il détrui­ra la Terre, à moins qu’on l’au­to­rise à ensei­gner aux 3e E et que ceux-ci par­viennent à l’as­sas­si­ner avant la fin de l’an­née scolaire.

Koro-sensei en cours
Je suis votre nou­veau prof. Ma mis­sion : vous sor­tir de la classe de cancres. Votre mis­sion : me tuer. — image stu­dio Lerche

Oui, le point de départ est par­ti­cu­lier. Je vais finir par croire qu’il y a un pro­blème dans le sys­tème édu­ca­tif japo­nais : on a eu l’an­cien lou­bard inculte et obsé­dé deve­nu Great Teacher Onizuka en fai­sant des prises de catch au prin­ci­pal adjoint ; on a eu la classe tirée au sort qui doit s’entre-tuer pour inci­ter tous les élèves du pays à res­ter dans les clous (Battle royale) ; on a eu le gosse qui s’en prend à une sourde puis devient vic­time de bri­mades avec la béné­dic­tion du corps ensei­gnant… et voi­ci donc la classe d’as­sas­si­nat1, où tous les élèves sont peu à peu for­més pour abattre leur professeur.

Mort d'une camarade
Vous croyez quoi ? Que les assas­sins sur­vivent tou­jours à leur mis­sion ? — image stu­dio Lerche

La forme est tout aus­si par­ti­cu­lière. Les racines de l’his­toire sont déjà lugubres, mais ça n’est rien par rap­port aux pas­sages qui pré­sentent la psy­ché de cer­tains per­son­nages — en par­ti­cu­lier, la rela­tion entre Nagisa et sa mère atteint des som­mets dans l’art de repré­sen­ter dans une douce vio­lence les névroses les plus glauques. Mais, paral­lè­le­ment, la tona­li­té géné­rale est plu­tôt comique, avec de nom­breuses scènes de pure bouf­fon­ne­rie. Koro-sen­sei, le pro­fes­seur-poulpe-super­so­nique-qua­si-omni­scient-appa­rem­ment-invin­cible, peut être le plus for­mi­dable et ter­ri­fiant des enne­mis et, dans la scène sui­vante, un débile obsé­dé par les fortes poi­trines et les sucre­ries. Ses élèves peuvent être aus­si bien de froids assas­sins capables d’af­fron­ter des tueurs à gages confir­més que des gamins don­nant des sur­noms idiots à leur nou­velle prof d’an­glais. La vie de l’é­cole est tout aus­si para­doxale, allant de la cruau­té gra­tuite et des pres­sions inces­santes du prin­ci­pal aux plai­san­te­ries les plus puériles.

Montagne de flan
Koro-sen­sei peut pas s’ar­rê­ter de man­ger des sucre­ries. Alors on fait un flan géant, avec une bombe au fond. — image stu­dio Lerche

Cette varié­té de fonds est por­tée par des gra­phismes tout aus­si divers : le des­sin se sim­pli­fie, se com­plexi­fie, devient plus ou moins cari­ca­tu­ral, s’as­som­brit ou s’illu­mine au fil des humeurs. Le résul­tat est par­fois osé, sou­vent ori­gi­nal, tou­jours sur­pre­nant, et fait pas­ser par toute une palette d’é­mo­tions au fil des séquences.

Koro-sensei en beauf ricain
L’avantage de se dépla­cer à Mach 20, c’est qu’on peut se dégui­ser en élec­teur de Trump pour aller voir un match de base-ball de l’autre côté du Pacifique entre deux cours. — image stu­dio Lerche

Bref, voi­ci une série où l’on se prend sou­vent la tête dans les mains en se disant « non, ils ont pas osé ?! », où l’on rit tout aus­si sou­vent, on l’on a peur et où l’on écrase une lar­mi­chette assez régu­liè­re­ment, et qui glisse sous son allure de « bur­lesque d’ac­tion flip­pant » quelques scènes sociales d’une finesse étonnante.

Globalement sur­pre­nant, c’est en tout cas éton­nam­ment entraînant.

  1. Après plu­sieurs mois d’i­nac­ti­vi­té, le Comité anti-tra­duc­tions foi­reuses ne pou­vait pas lais­ser pas­ser cette occa­sion de rap­pe­ler son man­tra : « soit tu tra­duis, soit tu tra­duis pas, bor­del ». 暗殺教室, de 暗殺 [ansat­su] assas­si­nat et 教室 [kyō­shit­su] salle de classe, n’a aucune rai­son de deve­nir en fran­çais « Assassination Classroom ».