WarGames
|de John Badham, 1983, ***
1983. En 1983, les micro-ordinateurs arrivent sur le marché grand public. En 1983, on commence à parler de piraterie informatique. En 1983, Science et Vie Micro apparaît et Tron a un an. En 1983, la rupture entre les « geeks », fans de La guerre des étoiles, passant leurs soirées à recopier des pages de code publiées dans 01 Informatique, et les gens sérieux, qui finissent la journée devant Dernier domicile connu1 sur Antenne 2, commence à apparaître.
Et en 1983, John Badham entreprend (déjà !) de réhabiliter les geeks avec WarGames, qui présente en vrac quelques fondements de l’intelligence artificielle, de la sécurité informatique et de la culture hacker.
Après l’avoir vaguement vu et trouvé fun quand j’avais quinze ans, c’est le truc qui m’a surpris en revoyant WarGames : il est réaliste.
Bien entendu, il a vieilli, mais les pénétrations informatiques sont plausibles pour l’époque et la possibilité pour un programmeur de laisser une porte dérobée dans un système reste une question d’actualité. Les militaires dépassés par la technologie, qui décident de brancher l’ordinateur sur la riposte nucléaire sans avoir compris le mode d’emploi, c’est peut-être un peu exagéré, mais le seul vrai truc bizarre est le générateur vocal qui fait parler PROG — un accroc mineur qui permet de dynamiser le scénario.
Et surtout, WarGames présente, en 1983, une intelligence artificielle s’entraînant au fil d’un apprentissage par renforcement. À l’époque, c’était une piste explorée en théorie, sans application concrète ; trois décennies plus tard, c’est la voie majeure qui a permis à AlphaGo de battre les grands maîtres du go ! Mieux, cette introduction à l’apprentissage artificiel est plus claire que bien des publications des dix dernières années…
Quant à la conclusion du film, et bien… Il y a quatre ans, un chercheur en intelligence artificielle a joué quelques dizaines de secondes aux jeux disponibles sur la Nintendo NES, laissant un réseau neuronal chercher où était le score, comment il montait, et quels coups étaient possibles. Puis, il a « passé la manette » à son IA, celle-ci apprenant par elle-même, pour s’apercevoir qu’elle finissait par arriver à jouer très correctement à la plupart des jeux. Là où ça devient amusant, c’est que cette IA s’est révélée très mauvaise à Tetris ; cependant, juste avant que la dernière brique ne remplisse l’écran, elle a choisi de… ne plus jouer, mettant sur « pause » et n’y touchant plus !
Un grand film ? Non bien sûr. La trame globale est celle d’un teen-movie classique, avec quelques rebondissements en carton (Ah, il est vivant en fait ? Sans blaaaaague ?) et des dialogues parfois un peu niais. Le film tente çà et là de jouer la carte tragique à la Point limite, mais il est trop évidemment positif pour que cela nourrisse réellement la tension. Le réalisateur (qui a repris le projet en route) fait son taf sans se faire remarquer et si la technique utilisée pour les affichages du Norad était à l’époque révolutionnaire, elle passe aujourd’hui totalement inaperçue.
Cependant, le montage demeure parfaitement rythmé, l’équilibre entre bonne humeur générale et observation critique de l’actualité est réellement bien géré, et le film va exactement jusqu’où il faut pour se faire apprécier des techniciens sans perdre ceux qui sont venus voir une comédie d’action distrayante.
Le résultat est donc une bonne surprise, qui a évidemment vieilli mais qu’on regarde aujourd’hui en se disant « ah, c’est les années 80 » plutôt que « oh putain c’est kitsch », et qui reste finalement d’actualité sur certains points.