Batman v Superman : l’aube de la justice (la première heure)

acou­phène de Zach Snyder, 2016

Vous vous sou­ve­nez peut-être de ce remake de Point Break : mal­gré le néant du scé­na­rio et la réa­li­sa­tion erra­tique des scènes d’ac­tion, j’é­tais res­té jus­qu’au bout. Vous vous sou­ve­nez peut-être de cette adap­ta­tion de Macbeth : mal­gré sa gran­di­lo­quence nom­bri­liste, j’é­tais res­té jus­qu’au bout. Vous vous sou­ve­nez de cette suite du Transporteur : mal­gré son éner­vante stu­pi­di­té, j’é­tais res­té jus­qu’au bout. Vous vous sou­ve­nez peut-être de cette reprise de L’Exode : mal­gré sa pré­ten­tion dépla­cée, j’é­tais res­té jus­qu’au bout. Et je ne parle même pas des œuvres ori­gi­nales que je me suis far­cies jus­qu’à la der­nière seconde tout en ayant envie d’é­tri­per scé­na­ristes et réa­li­sa­teurs avec une petite cuiller rouillée.

Tout cela pour dire que pour que je sorte d’une salle de ciné­ma avant la fin du film, il ne suf­fit pas qu’il soit désa­gréable, mal­sain ou épou­van­ta­ble­ment chiant : il faut que res­ter plus long­temps soit phy­si­que­ment douloureux.

Pourtant, au bout d’une heure quinze de Batman v Superman : l’aube de la jus­tice, mon ins­tinct de sur­vie m’a pous­sé vers l’is­sue de secours la plus proche.

Le minimum vital : des bouchons anti-bruit.
Le mini­mum vital : des bou­chons anti-bruit.

La pre­mière heure ne manque pas de défauts : dès la pre­mière scène, Snyder en fait trop, com­men­çant avec la déli­ca­tesse avec laquelle il avait fini Man of steel. Et dès la pre­mière scène, le mixage sonore est incroya­ble­ment agres­sif, avec une com­pres­sion dyna­mique ame­nant un mur­mure au volume sonore d’une explo­sion. Ensuite, ça bavarde gen­ti­ment (au volume d’un hur­le­ment), avec un enchaî­ne­ment de plans ver­beux scé­na­ri­sés par un type qui, faute d’ins­pi­ra­tion, a col­lé en vrac tous les pon­cifs du genre — la peur face à la toute-puis­sance, les limites de l’au­to-jus­tice, tout ça.

Ces vides gran­di­lo­quents sont entre­cou­pés d’ac­tion sans inté­rêt avec des méchants Arabes, des immeubles en feu et un Américain de Krypton avec une cape rouge en kev­lar, qui appa­raît tour à tour comme Dieu le père ou comme le Christ res­sus­ci­té (en revanche, il ne risque pas de pas­ser pour un esprit, fût-il sain). Le recy­clage de l’i­co­no­gra­phie apos­to­lique romaine revient sans finesse toutes les trois minutes au point d’en deve­nir remar­qua­ble­ment indi­geste, mais ça n’est rien par rap­port à la musique qui écrase ces scènes avec la déli­ca­tesse d’une enceinte de Rammstein à Bercy.

Enfin, Superman est invi­té à rendre des comptes devant le sénat, effrayé par son omni­po­tence ; mais le scé­na­riste a lui-même été ter­ri­fié par l’i­dée de devoir pondre un vrai dia­logue, et il a pré­fé­ré faire péter une bombe à ce moment, per­met­tant au mixeur de me péter les tym­pans une fois de trop : c’est à ce moment que j’ai déclen­ché mon siège éjec­table pour me sau­ver de ce crash inévitable.

La vraie recommandation : le casque avion à réduction active (activée).
Ma vraie recom­man­da­tion : le casque avion à réduc­tion active (allu­mée).

Plus encore que Man of steel, Batman v Superman : l’aube de la jus­tice est donc un film bruyant. Bruyant jus­qu’à la dou­leur, et ce alors même que j’a­vais mes écou­teurs intra-auri­cu­laires (plu­tôt bien iso­lants) sur moi et que je les ai four­rés dans mes oreilles dès le pas­sage avec Lois et un désert (j’y avais mis mes doigts pour la scène d’ou­ver­ture, mais ça ne suf­fi­sait pas).

Je sais, je suis plu­tôt peu tolé­rant aux sons trop forts. Mais à ce jour, les films « très bruyants » m’ont juste fait chier, et je sor­tais de la salle fati­gué ; seuls G.I. Joe, le réveil du Cobra et Man of steel avaient dépas­sé le stade du désa­gréable pour ver­ser dans le dou­lou­reux, et encore était-ce tolé­rable, comme un faux pli de chaus­sette quand vous mar­chez cent mètres. Ce n’est pas le pre­mier block­bus­ter au mixage agres­sif que je vais voir ; néan­moins, jamais je n’a­vais eu mal en écou­tant un film au point d’être obli­gé de sor­tir avant même la moitié.

La guerre du volume a atteint une limite, celle où je ne peux plus sup­por­ter une séance dans une salle de ciné­ma au son nor­ma­le­ment cali­bré ; si un jour je regarde la fin du film chez moi, je sais que je bais­se­rai énor­mé­ment le volume — et je ne sais même pas si cela suf­fi­ra à me le rendre tout à fait écoutable.