How to have sex
|de Molly Manning Walker, 2023, ***
C’est l’histoire de Courgette, Coucourge et Smartass. Elles sont Anglaises, elles sont bourges, elles viennent de passer l’équivalent du bac et, en attendant les résultats, elles s’offrent quelques jours en Crète. Il ne s’agit évidemment pas de visiter les ruines minoennes : elles n’ont aucune intention de se cultiver le cerveau, juste de se démonter la tête. Profiter de la plage, tester les bistrots, faire la tournée des fêtes et compter les mecs qu’elles se taperont pour savoir qui passe la meilleure semaine. À peine arrivées, Courgette se fait brancher par Blaireau1, qui occupe la chambre d’à côté avec Beaugoss et Quota — qui n’est là que pour équilibrer les groupes.
La première partie du film est exactement ce que ce point de départ laisse attendre : une succession de séances en boîte, en bar, en gueule de bois sur la terrasse, puis rebar, reboîte, regueule de bois sur la terrasse. Les personnages sont plus antipathiques les uns que les autres, et s’il s’agit de vous convaincre que les gosses de bourges occidentaux sont des pourritures gâtées et débiles, ça marche. Et si vous êtes du genre à faire des crises d’angoisse dans le vacarme et l’agitation des boîtes de nuit, sachez que le film est troublantement immersif. Il est aussi parfois un peu longuet, enchaînant des scènes répétitives avec l’application des teufeuses qui multiplient les soirées.
En passant, on voit clairement les effets de leur passage : les rues grecques sont immondes au petit matin, seules les flaques de vomi empêchant les bouteilles vides de voler au vent. Dans les plaies qui frappent la Grèce, pire que les mesures d’ajustement de la BCE : le tourisme étudiant.
Et puis vient la deuxième partie : Courgette a enfin perdu sa virginité, mais pas dans les conditions qu’elle imaginait. Et le film bascule dans une sorte de troublante non-réflexion introspective, où chaque personnage évite la confrontation à la question lancinante qui plane sur chaque scène : où est la ligne rouge ? Une fille bourrée qui dit « oui » dit-elle vraiment « oui » ? Quid de la dynamique de groupe dans ce qui est censé être une envie personnelle ? Faut-il se méfier de tous les mecs, même le normal, posé, un peu moins blaireau que ses potes ? À qui parler de ce qu’on ressent quand on ne le comprend pas soi-même ?
À ces questions, Molly Manning Walker évite d’apporter des réponses tranchées. Même Courgette, qui devient un peu moins courge sur la fin, ne semble pas savoir trancher sur la nature des événements : première fois ordinairement nulle étant donnée l’ambiance du moment, abus de faiblesse, ou viol pur et simple ? C’est le spectateur qui devra réfléchir pour trouver lui-même les réponses, ce qui est sans doute le vrai bon point du film.
Cette fin dépourvue de véritable morale permet aussi à How to have sex de se hausser au-dessus d’une simple version longue des clips Tu t’es vu quand t’as bu ? — notamment celui joué par Marion Cotillard. Ça en fait probablement un meilleur avertissement contre l’abus d’alcool que ceux-ci, dont le slogan moralisateur faisait marrer plus que réfléchir.
Bref, après une première partie bruyante et agitée, mais répétitive et parfois longuette, le film décolle lorsqu’il se pose pour enfin explorer un peu les dynamiques de ses groupes et de ses personnages. Et il laisse le spectateur sortir avec ses questions non tranchées, à charge pour lui de choisir ce qu’il en tire.