Coup de théâtre
|de Tom George, 2022, ***
Vous connaissez le film noir ? C’est souvent le même schéma. Au début, vous suivez la vie ordinaire, pendant qu’une voix off blasée commente l’action. Puis, le personnage le plus haïssable ou le plus fragile se fait assassiner. Arrive un détective las et fatigué chargé de savoir qui a fait le coup. Il interroge les suspects, suit des pistes, tombe sur un ou deux culs-de-sac, trouve sa cible, et à la fin le meurtre est résolu sans que le monde en soit amélioré.
Coup de théâtre n’est pas vraiment un film noir. Voire pas du tout. Il est beaucoup trop comique. Mais il est de la famille : fondamentalement, il repose sur un type de pièce de théâtre populaire dans les années 50–60, le « whodunnit ». Issu du roman de gare éponyme (dont les Sherlock Holmes étaient des prototypes), celui-ci a engendré d’innombrables comédies policières au cinéma ou à la télévision. Comme les whodunnit classiques, le film multiplie les petits rebondissements, joue sans vergogne la carte du décalage comique entre inspecteur vieillissant blasé et jeune inspectrice enthousiaste, disperse des indices trompeurs pour le spectateur, et pousse le vice jusqu’à se dérouler dans un théâtre où se joue un whodunnit d’Agatha Christie.
Mais, çà et là, il injecte quelques gènes de film noir. Par l’ouverture d’un redoutable cynisme, par l’utilisation du climat et de l’automobile dans l’intrigue, par la moralité douteuse des « héros », par les choix d’éclairages souvent sombres, il ajoute quelques touches noires à sa sauce légère et colorée.
Le résultat n’a rien de bouleversant. Il oscille entre whodunnit, parodie de whodunnit, et tentatives occasionnelles de basculer dans un truc plus profond. C’est le fils naturel d’un Feydeau et d’un Melville, sur la trame d’un épisode de Meurtres au paradis : autant dire que c’est pas un édifice super stable. Mais ça tourne comme une horloge, bien aidé par des comédiens en grande forme et des dialogues plutôt soignés, et on y passe finalement un bon moment.