Vesper
|misérabilisme pesant de Kristina Buožytė et Bruno Samper, 2022
L’industrie agricole a inventé un truc génial : les graines à usage unique. Impossible d’en mettre de côté pour la récolte suivante, vous devez racheter de quoi planter tous les ans. Sans surprise, rapidement, plus rien ne pousse naturellement nulle part. Ainsi, on se retrouve dans un univers où quelques citadelles protègent la bonne société, opulente et riche, des pauvres hères qui traînent dans la boue en essayant de trouver un truc à grignoter. Les citadelles peuvent aussi échanger leurs précieuses graines contre du sang frais, permettant ainsi au bas-peuple de survivre… et aux saigneurs locaux de prospérer.
Vesper, elle, vit seule dans une cahute avec son père, ancien soldat de la citadelle locale paralysé en service qui ne communique qu’à travers un drone. Jusqu’au jour où elle tombe sur une habitante de la citadelle victime d’un accident de « planeur ».
Sur le papier, c’est donc un film post-apocalyptique très classique, avec son incontournable retour à une société pseudo-féodale où des pauvres très très très pauvres crèvent tandis qu’au château, c’est la fête. Et son incontournable héroïne super-douée qui espère débloquer les graines pour renverser l’ordre établi. Bref, côté originalité, on repassera.
Mais le vrai problème, c’est la forme. Imaginez que, à chaque petit coup de mou de votre vie, vous ayez une corne de brume, un orgue et un violoncelle qui viennent souligner à quel point la tristitude, c’est tristement triste. C’est la vraie faiblesse de ce film : il en fait trop, beaucoup trop. À coups de mise en scène boueuse et de musique omniprésente, il souligne pesamment à chaque occasion à quel point son héroïne est méritante et misérable et qu’elle a vraiment plein de souffrances et de difficultés et c’est vilain ce qui lui arrive mais quand même elle est trop douée et pis gentille et bienveillante t’as vu hein t’as vu ?
Et ne parlons pas de l’ogre Barbe-Bleue, pardon, de Jonas, caricature de méchant totalement dépourvu d’ambiguïté — comme l’ensemble du scénario, d’ailleurs. C’est d’autant plus triste qu’il est interprété par Eddie Marsan, qui a montré tout au long de sept saisons de Ray Donovan son talent pour la complexité et l’ambiguïté : le personnage comme l’acteur auraient mérité bien mieux.
Le résultat est donc aussi léger qu’une recette de Depardieu, aussi subtil qu’un crochet de Mike Tyson, aussi fin qu’un sumotori obèse. C’est pas vraiment chiant, mais à chercher à tout prix à faire ressortir le dénuement et la souffrance des héros, c’est surtout une démonstration pesante de misérabilisme glauque.
Notez en passant que la distribution internationale a affublé ce film d’un titre rallongé, Vesper chronicles. Alors que le film ne prend absolument pas la forme de chroniques, mais d’une histoire unique qui se déroule sur quelques jours, sans rupture. Le titre original, Vesper, est beaucoup plus adapté.