Matrix reloaded

des Wachowski, 2003, *

En phy­sique rela­ti­viste, l’es­pace-temps peut être plus ou moins dila­té selon les endroits-moments. Du coup, on peut avoir des dis­tances-durées dif­fé­rentes entre des points dont les coor­don­nées ont le même écart. C’est sans doute ce qui explique pour­quoi, entre le début (disons 20:00) et la fin (met­tons 22:12) du film, on mesu­re­ra 2 h 12 minutes, alors qu’entre le début de la course-pour­suite et sa fin, on mesu­ra envi­ron qua­rante-sept heures, cinq cent trente-huit minutes et mille six cent vingt et une secondes.

Trinity joue à Black Widow chez Michael Bay
Non, ça rime à rien, et alors ? On s’en fout : ÇA PÈTE !!! — image Warner Bros

Ajoutez les innom­brables scènes de kung-fu illi­sibles, les inter­mi­nables ralen­tis façon « bul­let time » faits à l’or­di­na­teur pour mon­trer qu’After Effects est plus souple d’emploi qu’une bat­te­rie de camé­ras syn­chro­ni­sées, et la durée réelle de ce film de 2 h 12 se compte en semaines.

Réunion des capitaines
Bon, les gars, l’é­quipe effets spé­ciaux a pom­pé 149 999 995 dol­lars, avec les 5 qui res­taient j’ai réus­si à cho­per une table et des chaises à Emmaüs his­toire qu’on soit assis, donc main­te­nant que la post-prod est lan­cée, la ques­tion se pose : on écrit un scé­na­rio ? — pho­to Warner Bros

En fait, il s’est pas­sé un truc simple : les Wachowski n’a­vaient pas des masses de scé­na­rio. En gros, il faut que Schtroumpf trouve la source de la matrice, et pour ça il doit pas­ser de niveau en niveau et de bas­ton en bas­ton pour déblo­quer le tra­jet étape par étape. C’est à la fois une pâle copie de la séquence finale de Tron et un Fort Boyard sous amphètes.

Morpheus avec son sabre sur un camion
Bon, ça fait 1/4 d’heure que vous nous voyez cou­rir de bagnole en moto comme des canards sans tête, je regarde devant et je relance de dix minutes. — pho­to Warner Bros

Mais comme le bud­get était à peu près illi­mi­té, ça n’a déran­gé per­sonne de faire deux heures d’ac­tion com­plè­te­ment absurde pour com­plé­ter les douze minutes du script. Ça nous donne donc ça, cette espèce de jeu vidéo un peu bâclé mais fun à jouer (sauf que là, on regarde au lieu de jouer), cet enchaî­ne­ment vire­vol­tant de mou­ve­ments de camé­ra vir­tuelle où, de temps en temps, comme par acci­dent, quel­qu’un se met à cau­ser. Et alors on com­prend pour­quoi tout le monde a des lunettes noires : ça per­met de ne pas voir qu’au­cun acteur n’y croit une seconde.

Bullet time de Neo faisant du pole dance
Ah, vous aviez aimé les trois « bul­let time » de Matrix ? Bah on va faire un Matrix avec que des bul­let time, avec à peine trois dia­logues. — des­sin Warner Bros

C’est cepen­dant pas tout à fait nul, ce qui lui per­met d’é­chap­per à la bulle infa­mante. Deux rai­sons à cela.

La pre­mière, c’est qu’en dehors de cette course-pour­suite plus longue qu’une soi­rée inté­grale von Trier sans pause ni alcool, le mon­tage ryth­mé fait plu­tôt bien pas­ser la pilule1.

La deuxième, c’est que vers la fin, un per­son­nage dit à Schtroumpf un truc du style : « tu uti­lises tous tes muscles, sauf celui qui serait utile », ce qui est une excel­lente auto-ana­lyse du film.

  1. Pun inten­ded.