Plan cœur

de Noémie Saglio et Julien Teisseire, depuis 2018, ****/*

Quand on a des amies pareilles, on n’a pas besoin d’ennemies.

C’est ce que devrait se dire Elsa. Sa meilleure copine, lasse de la voir dépri­mer deux ans après sa der­nière rup­ture, lui offre… un gigo­lo. Sans lui dire, bien sûr, sinon ça serait pas drôle. Elsa croit donc ren­con­trer un mec plu­tôt mignon, sym­pa, qui par­tage ses goûts et ses pas­sions, sans savoir qu’elle dis­cute avec un pro­fes­sion­nel bien brie­fé par la per­sonne qui la connaît le mieux.

Zita Hanrot et Marc Ruchmann dans Plan cœur
— Mais il est trop mignon en fait ! En plus il aime les mêmes trucs que moi !
— L’aquarium, check, Cha avait rai­son : ça marche. On enchaîne sur le res­tau.
- pho­to Netflix

La pre­mière sai­son de Plan cœur est un bon départ pour expli­quer le concept de sus­pen­sion volon­taire de l’in­cré­du­li­té. Les fon­da­tions même de la série sont tota­le­ment ban­cales. Le plan de Charlotte n’a abso­lu­ment aucune rai­son de mar­cher : qui peut croire que se taper un mec sans savoir que c’est un gigo­lo peut redon­ner confiance à quel­qu’un et la pous­ser à en cher­cher un autre ?

Oui, mais.

Mais si vous faites l’ef­fort d’ou­blier que ce n’est pas cré­dible une seconde, vous allez trou­ver une série vive, amu­sante, légère, qui tourne comme un cou­cou suisse au fil de dia­logues cise­lés et de per­son­nages juste assez cari­ca­tu­raux pour pou­voir jouer avec leurs sté­réo­types. Les actrices aident beau­coup à faire pas­ser l’af­faire, cha­cune tenant par­fai­te­ment son rôle. On sou­rit, on rit, on se prend le visage dans les mains tel­le­ment c’est affli­geant, mais ça relance tou­jours d’une bonne vanne ou d’un rebon­dis­se­ment enjoué avant de deve­nir lourd.

Tout repose donc sur ce deal : oubliez que c’est aber­rant, et vous pas­se­rez trois très bonnes heures.

Joéphine Draï, Sabrina Ouazani et Zita Hanrot
Dites, vous sen­tez pas un truc bizarre ? Une espèce de vent fétide venant du bureau du scé­na­riste ? — pho­to Netflix

Ensuite vient la sai­son 2. Et là, com­ment dire… On n’est plus dans la sus­pen­sion volon­taire de l’in­cré­du­li­té, mais dans le bête­ment et gra­tui­te­ment stu­pide. L’idée qui avait lan­cé l’his­toire était absurde, mais repo­sait sur une cer­taine logique, et la suite en décou­lait assez naturellement.

Dans la seconde sai­son, le man­tra des scé­na­ristes semble être quelque chose comme : si l’his­toire risque de se dénouer, c’est qu’il est temps que quel­qu’un sorte un men­songe, là comme ça, juste pour la relan­cer. Il ne s’a­git plus de deman­der au spec­ta­teur de regar­der ailleurs quand on coule des fon­da­tions en car­ton, mais de renon­cer défi­ni­ti­ve­ment, à chaque séquence ou presque, à voir les trous béants que les auteurs creusent pour évi­ter de recou­rir à une logique quelconque.

Certes, le cas­ting reste excellent, certes, les dia­logues conti­nuent à fuser, mais ce qui était fun, un peu absurde et insou­ciant devient stu­pide, com­plè­te­ment aber­rant et gluant.

Il y a des séries qui gagnent en qua­li­té, d’autres qui perdent. Plan cœur est indé­nia­ble­ment de celles-ci. Regardez donc les huit pre­miers épi­sodes, savou­rez-les, et consi­dé­rez que ça s’ar­rête là.