Achetez « mon » livre : C’est comme ça qu’on fait un film

Je sais ce que vous vous dites : « Tiens, il est pas réveillé, le Franck, les “Achetez mon livre” c’est dans la rubrique pho­to que ça va. »

Mais non. Parce que comme l’in­dique le titre, dans C’est comme ça qu’on fait un film, Tim Grierson ne parle pas de pho­to, mais de ciné­ma. Allez donc voir votre libraire, elle vous le confir­me­ra : elle doit l’a­voir mis en rayon ce matin.

C'est comme ça qu'on fait un film, de Tim Grierson

Ça com­mence il y a un peu plus d’un an, le 6 décembre 2019. Julie, mon édi­trice habi­tuelle chez Eyrolles, me contacte pour me dire en sub­stance qu’ils viennent d’ac­qué­rir les droits d’a­dap­ta­tion d’un livre en cours d’é­cri­ture, This is how you make a movie, de Tim Grierson. Un livre qui s’a­dresse un peu aux étu­diants en ciné­ma, aux vidéastes ama­teurs, et aux fans d’i­mages qui bougent en géné­ral. Il fau­drait le tra­duire assez vite, puis­qu’il doit sor­tir qua­si­ment en même temps dans les deux langues.

Alors, bon, voi­là, fin décembre-début jan­vier, c’est une période rela­ti­ve­ment calme, le ciné­ma, c’est un sujet qui m’in­té­resse vague­ment, et comme le dit Julie, « ça chan­ge­ra un peu de la pho­to ». Je passe donc un mois et demi à plein temps sur cet ouvrage et j’ap­prends plein de choses pas­sion­nantes. Fin jan­vier, le texte est envoyé, prêt à mettre en pages et à impri­mer, et puis… je sais pas si vous avez sui­vi, mais début 2020, il s’est pas­sé un petit truc qui a un peu « dis­rup­té » l’or­ga­ni­sa­tion du tra­vail un peu par­tout sur la pla­nète. Et quand un livre est repor­té, c’est toute la chaîne de publi­ca­tion qui subit un effet boule de neige. C’est ain­si presque un an après l’en­voi du der­nier fichier que cet ouvrage arrive en rayons.

Fin de la par­tie anecdotique.

C’est comme ça qu’on fait un film repose sur une idée simple : plu­tôt que de faire des pré­cis tech­niques en citant acci­den­tel­le­ment un film çà ou là, ou des dis­ser­ta­tions sur les œuvres avec une évo­ca­tion pra­tique occa­sion­nelle, il s’a­git de par­ler de tech­nique en par­lant de films.

L’ouvrage passe ain­si en revue à peu près tout ce qui entre en jeu dans la créa­tion d’un film, de l’é­cri­ture au mon­tage en pas­sant par le jeu d’ac­teurs, la réa­li­sa­tion et la prise de vue. Chaque bloc de quatre pages explique une tech­nique ou un élé­ment de réflexion spé­ci­fique, sui­vi de pré­sen­ta­tions de trois films où celui-ci entre en jeu. Par exemple, concer­nant le smash cut1, Grierson vous explique en quoi ça consiste, puis vous parle de Lawrence d’Arabie, de 2001, l’o­dys­sée de l’es­pace et de La mort aux trousses, trois uti­li­sa­tions très dif­fé­rentes du smash cut : l’un marque la tran­si­tion de l’é­tin­celle à la four­naise ; l’autre indique à la fois l’é­cart tem­po­rel et la simi­la­ri­té intel­lec­tuelle de l’ou­til le plus basique au plus sophis­ti­qué ; le der­nier est juste là pour offrir un petit clin d’œil gri­vois au spectateur…

Tour à tour simple et léger ou pro­fond et un poil gran­di­lo­quent, C’est comme ça qu’on fait un film est sur­tout direct et ryth­mé. Il se picore aisé­ment au gré des envies et par­le­ra à tout le monde, en pio­chant des exemples dans toutes les époques et tous les genres du ciné­ma. Il est natu­rel­le­ment plu­tôt cen­tré sur les œuvres amé­ri­caines ; mais, d’une part, nous connais­sons celles-ci suf­fi­sam­ment bien pour suivre l’im­mense majo­ri­té des exemples, et d’autre part, il convoque un cer­tain nombre de cinéastes euro­péens lorsque c’est jus­ti­fié — Jean Renoir, Jean-Pierre Jeunet ou Vittorio De Sica par exemple.

Photo de C'est comme ça qu'on fait un livre
L’impression sur papier sati­né assure une lec­ture agréable même en pleine lumière, mal­gré des cou­leurs par­fois un peu ternes.

J’ai donc énor­mé­ment appré­cié cet ouvrage, comme lec­teur et comme tra­duc­teur. J’ai tout de même une réserve : l’en­thou­siasme dont il fait preuve lors­qu’il parle de Dunkerque. Ça m’a brû­lé les doigts de devoir taper « Dunkerque accroît la ten­sion dra­ma­tique en nous mon­trant plu­sieurs his­toires sépa­rées, cha­cune pro­fon­dé­ment éprou­vante », alors que la véri­table épreuve est de subir les débi­li­tés du scé­na­rio et de la mise en scène. C’est à la fois l’hon­neur et la souf­france d’un tra­duc­teur : trans­crire le plus fidè­le­ment pos­sible une phrase qui nous hérisse le poil.

Fans de ciné­ma qui sou­hai­tez aller au-delà de « ouais c’é­tait cool » ou « bof c’é­tait nul », voi­ci donc un petit ouvrage facile à lire qui vous don­ne­ra des bases pré­cieuses pour com­prendre com­ment fonc­tionne un film et nour­rir vos critiques.

Profitez-en donc, tant que les librai­ries sont ouvertes : ça vous fera oublier une minute que les ciné­mas sont fermés.

  1. Généralement appe­lé ain­si en français.