Space Force
|de Greg Daniels et Steve Carell, 2020, ***
Nous sommes en 2019. Les États-Unis d’Amérique ont un président qui regarde un peu trop de films : il a décidé de créer une sixième branche de l’armée, l’US Space Force, qui devient ainsi indépendante de l’US Air Force — et ce, bien que l’espace soit démilitarisé selon toutes les conventions internationales. Le général Mark Naird, numéro 2 de l’USAF, devient donc le premier directeur des opérations spatiales de l’USSF, avec une mission simple : envoyer des astronautes sur la Lune en moins de cinq ans pour y établir une colonie permanente.
Alors voilà. En vrai, nous sommes en 2020. Le président des États-Unis d’Amérique a donné au commandement spatial de l’US Air Force le statut d’arme à part entière, créant ainsi la US Space Force, le 20 décembre 2019. Évidemment, il faut plus de six mois pour écrire, produire, tourner et diffuser une série télé : Netflix a officiellement annoncé la commande de celle-ci le 16 janvier 2019. Trump avait bien évoqué la séparation de la branche armée spatiale en 2018, mais ce n’est qu’en février 2019 que l’autonomie des forces spatiales a été actée, d’abord au sein de l’USAF, avant de devenir une arme séparée en fin d’année — en plein tournage de la série. C’est assez fascinant de voir comment les auteurs et les politiciens ont géré leurs dossiers en parallèle avec un timing aussi précis…
Cet aspect historique mis à part, Space Force est une comédie dramatique qui oscille constamment entre le potache, le tragique et le politique. Certaines situations sont d’un ridicule achevé (le match opposant USAF et USSF par exemple), d’autres sont plutôt grinçantes et visent ouvertement les incohérences du commandeur en chef actuel (les délais irréalistes qui évoluent selon la situation politique), d’autres encore sont des petites piques presque gentilles sur la vie moderne (le responsable de la communication qui passe son temps à vouloir faire de l’USSF un sujet à la mode, les personnalités bienveillantes qui pourrissent la vie des gens avec leurs idées idiotes, les start-up qui promettent monts et merveilles pour gagner des contrats qu’elles sont incapables de remplir…).
C’est donc dans l’ensemble assez drôle et pas toujours idiot. Mais il faut reconnaître un truc : la meilleure scène est l’incipit, lorsque les chefs d’état-major des cinq armes apprennent la création de la sixième (chers membres de l’US Coast Guard, on pense à vous). La suite est inégale : quelques passages sont très drôles ou font subrepticement réfléchir, mais certains gags tombent à plat et beaucoup d’enchaînements passent d’une émotion à l’autre avec maladresse, sans que ça soit une astuce narrative qui rythmerait la série.
Heureusement, il y a des acteurs. Plein d’acteurs. Carell joue sur plusieurs tableaux, son personnage étant à la fois un psychorigide orgueilleux, un type ordinaire qui se retrouve seul avec sa fille, un boss autoritaire et un bonhomme qui se rend parfois compte qu’il a blessé ses subordonnés. Il s’en sort, sans surprise, très bien, et porte largement la série. Malkovitch, intello, cynique, vaguement antimilitariste mais envoyé à un poste dirigeant de l’USSF parce qu’il est l’expert en fusées dont on a besoin si on veut que ça marche, forme avec lui un duo emmerdeur/emmerdé assez classique mais d’autant plus efficace que les rôles s’inversent régulièrement en un ping-pong plutôt réussi. Les autres rôles sont également bien tenus et, dans l’ensemble, le casting fait beaucoup pour faire oublier les faiblesses du scénario.
Ça ne restera clairement pas une grande réussite et, vu la quantité de talents réunis, on aurait indubitablement pu espérer mieux, mais ça reste une petite série plaisante, qui occupe agréablement une paire de soirées pluvieuses.