Nicky Larson et le parfum de Cupidon
|de Philippe Lacheau, 2018, ****
Il y a des jours, dans la vie, où on s’attend au pire. Par exemple, quand on fait partie des gens qui ont aimé Nicky Larson et qu’on voit la bande-annonce de Nicky Larson et le parfum de Cupidon. C’est potache, c’est lourd, c’est indigeste, c’est mal joué, c’est encore plus mal écrit que la traduction française de l’anime, et ça mise essentiellement sur du gag qui paraît déjà répétitif en deux minutes.
Mais bon, quand on est petit, on nous apprend : « t’auras le droit de dire que t’aimes pas quand tu auras goûté ». Alors, on se dit qu’on va aller voir ça, histoire de pouvoir cracher dessus en toute connaissance de cause.
C’est là que Philippe Lacheau l’a jouée fine : quand j’arrive dans la salle prêt à tirer dans le tas, il suffit logiquement de m’arracher un vague sourire pour accrocher la mention « dépasse les espoirs », au moins littéralement.
Et pire : cette série Z assumée m’a arraché plusieurs vagues sourires, et il m’est même arrivée de soubresauter dans mon siège.
Bien entendu, il faut un peu mettre de côté City hunter. Les aspects ténébreux, urbains, dramatiques sont très largement passés à l’as, même si la mort de Tony est toujours présente ; en particulier, tout le passé commun de Nicky et de Mammouth est porté disparu, leur rivalité devenant essentiellement une source de potacherie supplémentaire. Reste donc le côté comique, l’obsession pathétique du héros, le caractère finalement plus affirmé de Laura, et les multitudes de gags inattendus.
Oui, inattendus.
C’est là la surprise. Alors que la présentation fait penser à ces innombrables comédies françaises dont tous les gags sont dans la bande-annonce, masquant la vacuité totale du film (oui, Les bronzés 3 amis pour la vie, je pense à toi, mais tu n’es hélas pas seul), il y a en fait plein de choses que vous découvrirez dans la salle. Pas toujours des choses très fines (en même temps, Chantal Ladesou n’a pas toujours fait dans la finesse), mais des choses inattendues. Et l’effet madeleine, évidemment recherché (Philippe Lacheau a mon âge), apporte lui aussi quelques surprises, comme quand on reconnaît la voix d’une hôtesse qu’il a pris soin de montrer d’abord de dos.
Et puis, alors qu’il est tentant de crier à la trahison quand on part d’un polar ténébro-parodique et qu’on passe à la pure parodie, mine de rien, c’est pas si irrespectueux du matériau d’origine. On retrouve par exemple la tendance de Nicky à prendre ses adversaires sous un angle surprenant, en mettant les pieds dans le plat au moment précis où on s’attendrait à une infiltration discrète. On retrouve ces scènes de bagarres qui ne riment à rien et semblent piocher leur inspiration du côté des Spencer et Hill. On retrouve surtout ce point souvent négligé de l’œuvre originale : Laura est une chasseresse urbaine au même titre que Nicky et, loin d’être une innocente sœur de héros mort devenue colocataire de héros vivant, elle entre dans la danse de sa propre initiative et se permet parfois de mener l’action.
Grand film ? Ouh là non, ne me faites pas dire ça ! Mais cette grosse machine potache s’assume comme telle et ne cherche pas à passer pour autre chose, bien qu’elle glisse deux-trois trucs sur les obsessions, là comme ça, en passant, l’air de rien, sous prétexte que le parfum tout ça tout ça. Il faut donc la juger comme on jugeait les portions rigolotes de Nicky Larson. Et dans ce domaine, c’est plutôt réussi : parfois lourdingue, régulièrement drôle, parfois drôle parce que lourdingue, animé et rythmé dans l’action, Nicky Larson et le parfum de Cupidon est à sa façon assez fidèle à l’esprit de certains morceaux de l’original, tout en modernisant un peu certains traits (méfiez-vous des streamings en direct).
Et on se surprend à la sortie à se dire qu’on a passé un bien meilleur moment que prévu, comme si on s’était retrouvé à grignoter des madeleines à la cannelle autour d’une tasse d’Earl Grey dans un salon de thé alors qu’on pensait juste avoir acheté le sachet à 1,20 € dans un distributeur automatique de la gare Montparnasse.