White boy Rick
|de Yann Demange, 2018, ***
C’est l’histoire d’un vendeur d’armes minable de la banlieue de Detroit et de son fils, Rick Jr. Rick Jr fourgue des Kalash aux dealers de crack de son quartier, devient balance pour le FBI, puis dealer pour faire une meilleure balance pour le FBI, puis se fait tirer dessus par un dealer, lâcher par le FBI et choper par les flics locaux.
Le bon côté, c’est l’aspect « face B du rêve américain » : Rick veut l’argent, les filles, le luxe, il est prêt à travailler pour les avoir. Et à Detroit, à la fin des années 80, le seul travail qui rapporte, c’est la dope. On passe du rêve américain au cauchemar américain en trois séquences, du père qui espère monter une activité légale et lucrative un jour (et flirte avec les limites de la Loi en attendant) au fils qui parvient à monter une activité lucrative en mettant de côté les aspects juridiques. La promesse de Rocky, c’est « si tu travailles dur, tu peux y arriver » ; la réalité de White boy Rick1, c’est d’ajouter « à condition de pas être regardant sur le nombre d’années de prison ».
L’autre aspect positif, c’est que le film est fidèle à la réalité. C’est bien sûr parfois un peu romancé, mais les faits sont respectés — même quand le gamin de 17 ans finit par se taper la femme du dealer qu’il a balancé, qui est aussi la nièce du maire. Il n’y a que quelques détails inventés et, lorsqu’il fallait trancher entre la version de Rick et celle du FBI, les scénaristes ont choisi la première ; mais ils n’ont vraiment pas voulu dénaturer l’histoire de ces petites gens d’une banlieue minable d’une ville alors en plein effondrement.
Après, bon, faut admettre un truc : il y a un problème de rythme quelque part. Dans l’ensemble, le film est peu entraînant, voire franchement plat. On peine finalement à s’intéresser au destin des personnages : si leur histoire est intéressante, eux ne le sont pas, tant la thune semble être leur seul but vital. C’est sans doute très vrai (je connais plein de gens comme eux, même si la majorité reste du côté de la Loi), mais ça n’en fait ni des héros auxquels on veut s’identifier, ni des salauds qu’on va regarder avec fascination. En fait, le script semble s’être contenté des faits, les avoir trouvés suffisamment bons pour faire un film, et avoir oublié qu’une bonne histoire ne fait pas tout.
Le résultat est donc un peu frustrant. D’un côté, on a une vraie histoire, réaliste, tragique, injuste ou très juste selon le point de vue, avec de la tension, de la trahison et des rebondissements, traitée avec une fidélité et une volonté de réalisme certaines, et portée par un excellent casting ; de l’autre, on obtient un film un peu superficiel, plat, manquant de nerf et d’implication.
Ça nous donne donc deux petites heures de cinéma fréquentable, mais dont on sort avec l’impression qu’il n’aurait pas manqué grand-chose pour avoir un vrai bon polar.