Les animaux fantastiques : les crimes de Grindelwald
|de David Yates, 2018, **
Avant L’ordre du phénix, le sommet de la carrière de David Yates était une comédie romantique tournée pour la télévision. Ce n’est donc pas totalement une exagération que de dire que, vers 2012, toute sa production se résumait à 3,5 Harry Potter. Son Tarzan ayant globalement récolté l’avis « ça m’en touche une sans faire bouger l’autre » auprès des critiques comme des spectateurs (d’ailleurs, je crois pas l’avoir vu), il s’est réfugié dans les valeurs sûres en pondant Les animaux fantastiques, un « spin-off » des Harry Potter qui en profitait pour nous montrer les États-Unis des années 1920.
Pour le deuxième volume, c’est Paris qui succède à New York, avec un passage par quelques points de repères incontournables et un grand finale au Père-Lachaise. Mais, curieusement, aucun élément de la société française n’est repris, ni chez les sorciers, ni chez les autres.
D’une part, contrairement aux Américains du premier film, on avait déjà une idée de comment les sorciers français étaient organisés : l’école de Beauxbâtons, ses élèves et ses professeurs sont des éléments importants de La coupe de feu et dans une moindre mesure des romans suivants. On sait, par exemple, que les élèves sorciers sont séparés par sexes. D’autre part, à cette époque, la société française est troublée : l’Action française est active, les Croix-de-Feu apparaissent, l’opposition entre la droite et la gauche est dure, le chômage explose. Et géographiquement, des pans entiers de Paris sont flambant neufs, le boulevard Haussman venant d’être inauguré. On s’attend donc à ce que, comme pour la société américaine dans le premier film, des éléments de la vie française soient intégrés à l’histoire, et bien sûr à voir un peu les sorciers français et leurs particularités.
Il n’en est curieusement rien. Yates place son film dans un entre-deux-guerres générique, sans référence précise, et c’est en vain que vous chercheriez un Français — moldu ou sorcier. Paris en 1927, c’est une version alternative du Londres et du New York du premier film, pleine d’Anglais et d’Américains qui font tout. Si vous voulez du typiquement français, sachez que le ministère des Affaires magiques est situé sous la coupole du Grand Palais, et basta.
Au-delà de cette petite frustration régionale, Les crimes de Grindelwald est un très net ton en dessous des précédentes histoires de cet univers. Oh, bien sûr, il y a des sketches amusants et des scènes tragiques ; évidemment, la réalisation est flamboyante et le rythme parfaitement géré ; bien entendu, le discours final sur la soif de pouvoir est tout à fait bien senti (et du coup, on regrette d’autant plus de pas avoir entendu parler des ligues qui pullulaient à l’époque).
Mais c’est d’un bordélique !
La multiplication des personnages, les séquences qui s’enchaînent sans réelle logique, les deus ex machina qui viennent pallier le manque d’inspiration de la scénariste… Le film est aussi facile à suivre qu’un Vif d’Or sous cocaïne, son intrigue aussi bien rangée qu’un marché de St-Ouen un jour de braderie.
Alors, que retenir ? La beauté de certaines scènes, le burlesque de certaines séquences, les bons moments en somme ? Ou le fait que, à un moment donné, on se perd complètement dans l’intrigue et on se résigne à simplement attendre la fin pour voir où ça va ?
En tout cas, malgré le sympathique message critique de notre époque et un grand spectacle distrayant parfaitement mené, le bilan paraît franchement bancal.