The worst place to be a pilot
|de Mus Mustafa, 2014, ***
L’Indonésie… Ses îles de rêve, son climat tropical, sa vie abordable, ses territoires perdus et ses tribus reculées… Un paradis pour les touristes amateurs de monde sauvage.
Oui, mais qui dit vie abordable dit pas de moyens pour faire des routes, donc transport aérien incontournable. Qui dit territoires perdus et tribus reculées dit pistes de brousse pourries tracées à la hache à même la pente. Qui dit îles de rêve dit montagnes, obstacles dans tous les sens et forêt omniprésente. Qui dit climat tropical dit bancs de nuages apparaissant en deux secondes, orages réguliers et chaleur permanente. Tout ce qu’il faut pour faire de l’Indonésie le pire endroit où être pilote.
Ça n’empêche pas un certain nombre de jeunes étrangers de venir piloter les Grand Caravan et Turbo Porter de Susi Air, transporteur local peu regardant sur l’expérience, qui permet ainsi à des titulaires d’une CPL de monter leurs heures de vol en attendant de revenir en Europe piloter de vrais avions pour de vraies compagnies.
Ce qui est amusant, c’est que The worst place to be a pilot (également distribué sous le titre bien moins évocateur Air tension) est probablement ce qui ressemble le plus au regretté Ice Pilots NWT, tout en étant ce qui y ressemble le moins.
Susi Air est une jeune compagnie (créée en 2004 et non en 1970), équipée d’avions à turbines récents de taille modeste (pas de DC‑3 ou autres monstres ancestraux), qui volent généralement dans la touffeur tropicale (+40 °C plutôt que ‑40 °C). Mais on retrouve la logique de service des communautés isolées, le choc climatique et culturel qui attend les jeunes pilotes, les dangers d’une météo parfois surprenante, et même la petite terreur diffuse de celui qui vient d’être convoqué par la patronne…
Le rapprochement est aussi inévitable sur le plan formel : on retrouve la même alternance entre nouveaux en formation et « moustachus » habitués au terrain, entre cargo et passagers, entre évocation de la beauté du coin et présentation de ses dangers. Plus gênant, on retrouve aussi le même montage un peu haché par une narration qui tente de faire monter artificiellement le suspense.
En revanche, The worst place to be a pilot est court : quatre épisodes, trois heures, et c’est tout. Il a donc fallu faire des choix et la production s’est concentrée sur les histoires d’hommes, laissant la technique et les machines de côté. On peut trouver ça malheureux : lorsqu’il s’agit d’aller voir une piste nouvellement tracée sur une pente terreuse à côté d’un bled, une petite présentation des particularités du Turbo Porter ne serait pas de trop, et même les moins maniaques que moi pourraient gagner à entendre une vraie explication sur les difficultés d’un atterrissage en montagne.
En compensation, la série évite de se limiter aux pilotes britanniques et s’intéresse autant aux gens qu’ils rencontrent. La vie quotidienne des autochtones, paumés dans les montagnes, avec leurs légendes et leurs problèmes, est un vrai sujet secondaire. De ce point de vue, The worst place to be a pilot est bien plus ouvert que Ice Pilots NWT, pour qui les autochtones faisaient un peu partie du paysage.
Sans être vraiment destinée aux passionnés d’aviation (malgré quelques séquences de pilotage réellement impressionnantes), cette petite série aéronautique originale offre donc des paysages superbes et une visite intéressante d’endroits et de gens méconnus.
NB : à l’heure où j’écris, l’intégralité de la série est disponible sur Youtube : 1, 2, 3 et 4.