L’ombre d’Emily
|de Paul Feig, 2018, ***
Tous les films n’ont pas vocation à bouleverser notre perception du monde. Pour certains, il s’agit juste de nous distraire, de nous amuser, de nous faire plaisir, éventuellement en ajoutant une petite pique çà ou là.
L’œuvre de Paul Feig est ainsi : il a notamment travaillé sur Freaks and geeks et sur Weeds avant de passer sur grand écran avec des comédies légères telles que S.O.S. fantômes. On ne sera donc guère surpris que L’ombre d’Emily reste sur la même tonalité : un peu d’absurde, un peu de burlesque, des premiers rôles féminins qui tiennent le film d’un bout à l’autre, des seconds rôles masculins un peu déphasés et suivistes, et des rebondissements pas toujours simples ni maîtrisés mais qui ont l’avantage de relancer efficacement l’intrigue.
Car il y a une intrigue. C’est l’histoire de Stephanie, mère de famille célibataire américaine parfaite – travailleuse, consciencieuse, polie, enthousiaste, jonglant sans coup férir entre son fils, l’école, les réunions de parents d’élèves, son vlog et son boulot – qui rencontre Emily, indépendante, classe, qui jure et s’occupe de son gamin quand elle y pense – elle dispose d’un mari qui peut assurer la maison et l’éducation en son absence. La naïve fourmi tombe amireuse de la fière mante religieuse, elles se mettent à picoler ensemble, jusqu’au jour où celle-ci disparaît en laissant son minot à celle-là. Bien entendu, Stephanie va partir à la recherche d’Emily, en commençant par le mari.
Sans surprise, cela repose sur une foule de faux-semblants et certains éléments sont franchement tirés par les cheveux. Mais comme pour compenser, les auteurs en profitent pour critiquer amicalement la société moderne et ses clichés : les « femmes parfaites » définies avant tout par leur capacité à être de bonnes mères, la pression des groupes sociaux où il faut être irréprochable, les fausses amitiés et les vraies manipulations… et bien sûr l’insupportable omniprésence de vlogs « pratiques » orientés cuisine, éducation, décoration d’intérieur, frivolités superficielles diverses, qui entretiennent l’idée que les apparences priment sur le fond.
Révolutionnaire ? Oh non bien sûr. Comme je le disais en ouverture, ces éléments « sérieux » ne sont que des petites piques en passant, et le film est fondamentalement une comédie tournant parfois à la farce. Il faut d’ailleurs saluer Anna Kendrick et Blake Lively (oui, j’aurais pas cru écrire ça un jour), qui portent non seulement leurs personnages, mais aussi les dialogues et même l’ensemble du film en rendant presque crédibles leurs réactions face aux rebondissements les plus échevelés.
Les francophones noteront enfin que pour une fois, ils ont un avantage sur le reste du monde : la bande-son, à coups de Comment te dire adieu, de Bonnie and Clyde ou de Les cactus, offre une sorte de narration parallèle du film qui nous apporte une petite touche comique supplémentaire.
En somme, L’ombre d’Emily est une bonne petite distraction pour un dimanche d’automne. Ça tombe bien, ils arrivent.