Rampage
|de Brad Peyton, 2018, ***
C’est l’histoire d’un mâle Alpha, grand, d’une puissance hors du commun, mais profondément gentil et toujours prêt à protéger les plus fragiles. Et le plus fragile, cette semaine, c’est un gorille albino, contaminé par un terrible agent infectieux qui démultiplie les forces mais met de mauvaise humeur (un peu comme les épinards, voilà). Alors, le mâle Alpha, accompagné de la femelle Alpha et d’un mâle un peu bêta, part affronter les vilains militaires du gouvernement et la méchante multinationale.
Bon, si vous le voulez bien, on va tout de suite oublier que Rampage est l’adaptation du jeu vidéo éponyme. Parce que bon, on a quand même très exactement inversé le principe du jeu : dans celui-ci, les héros étaient les trois monstres, qui devaient détruire des villes avant d’être abattus par l’armée. Dans le film, le héros est le grand mâle qui doit sauver la ville des militaires et des monstres (et sauver son pote le gorille en passant). C’est un peu comme si vous faisiez une adaptation de Super Mario où le but du plombier serait de buter la princesse, ou une adaptation de Pac-Man où vous gagnez quand les fantômes mangent le camembert.
La question de l’adaptation étant réglée, passons à celle du film.
La première interrogation est évidemment : était-il vraiment nécessaire de payer quatre scénaristes ? Vous me direz, à eux quatre, ils ont commis Non-stop, San Andreas, Hercule et Date limite, donc les appeler « scénaristes » est une crise de gentillesse inhabituelle de ma part. Sans surprise, la finesse et la subtilité des personnages ne sont pas la qualité dominante de l’œuvre, dont les rebondissements se sentent venir deux ou trois heures à l’avance.
Ceci étant, au contraire du précédent Payton (l’innommable San Andreas), Rampage a une grande qualité : il ne se prend pas au sérieux. Éminemment conscient du ridicule de son présupposé, il ajoute à sa sauce de film-catastrophe emmerichien quelques ingrédients issus de la comédie parodique, quitte à s’adonner au gag visuel digne de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, et il exploite avec un certain bonheur le potentiel comique de Dwayne Johnson.
Évidemment, les amateurs de grand spectacle seront ravis : c’est, après tout, le seul domaine que les bourrins de la réalisation et du scénario maîtrisent. On ne sera donc pas surpris de voir des scènes de destruction soignées, à la cinématique et aux instruments variés, jouant assez finement des effets d’échelle (Dwayne est un monstre par rapport aux humains normaux, mais il est ridiculement petit face aux monstres qu’il affronte, et ils cassent des trucs de tailles très variées). Dans ce domaine, c’est du Michael Bay, mais du Michael Bay soigné, étudié et amélioré, régulièrement rehaussé d’une touche comique.
Au bout du compte, voilà un film relativement original, sur le fil entre film-catastrophe à grand spectacle et parodie de film-catastrophe à grand spectacle. On n’échappe pas à certains incontournables, les personnages en carton sortent des répliques en plâtre, la trame générale est aussi originale qu’une production de la machine à scénarios de Luc Besson, mais on se surprend à se laisser entraîner dans une grosse machine qui tourne sans à‑coups et, çà et là, à se marrer devant des gags réussis.