Pacific rim : uprising

de Steven DeKnight, 2018, **

Les enfants, de nos jours, on peut vrai­ment pas les lais­ser seuls deux minutes. Prenez Pètcouille : elle a quinze ans, elle paraît toute mignonne, mais dès qu’on a le dos tour­né, elle fait le mur pour ren­trer dans des zones mili­taires à la recherche de débris de jae­gers. Et vous croyez qu’elle fait quoi dans le garage ? Elle construit un jae­ger, voi­là. Un tout petit, qu’elle peut pilo­ter seule, mais dans lequel il y a quand même de la place pour plu­sieurs, sinon le scé­na­rio tombe à l’eau comme un jae­ger sans piles.

Au pas­sage, on se demande pour­quoi on n’a pas fait des cen­taines de jae­gers de ce for­mat-là, puisque c’é­tait pos­sible, au lieu de faire que des géants contrô­lés à deux ou trois : ça aurait pas coû­té plus cher et ça aurait per­mis d’u­ti­li­ser à peu près n’im­porte quel pilote, au lieu de cher­cher dans la meule de foin les aiguilles capables de sup­por­ter le lien télé­pa­thique néces­saire au pilo­tage en équi­page — ce qui était le prin­ci­pal enjeu de Pacific rim, pre­mier épi­sode. Bref.

Les gars, vous avez tra­vaillé dur et pas­sé plein de sélec­tions pour en arri­ver là. Je vous pré­sente Pètcouille et Filsde, envoyés ici par puni­tion. Faites-leur bon accueil. — pho­to Universal Pictures

Donc, Pètcouille a construit un jae­ger illé­gal, se fait cho­per dedans avec Filsde, l’an­ti-héros écra­sé par un héri­tage héroïque qui devien­dra donc héros avant la fin du film, et les voi­là envoyés dans une uni­té de pilotes de jae­gers diri­gée par Blondin (ou son fils, je sais plus). Évidemment, pile au moment où les jae­gers pilo­tés par des gens sont mis en concur­rence avec les jae­gers-drones, où un jae­ger incon­nu fout le bazar dans un som­met inter­na­tio­nal et où les kai­jūs reviennent, oh là là, je me demande com­ment ça va finir.

Je vous le dis comme je le pense : ce second volet de Pacific rim est plom­bé d’in­co­hé­rences. À com­men­cer par Pètcouille, l’a­ni­mal hor­ri­pi­lant qui parle, fille natu­relle de Claudine du Club des cinq et de MacGyver. Résumons : vous cho­pez une ado qui vole du matos mili­taire pour se pré­pa­rer à la pro­chaine guerre, vous la récom­pen­sez en la fai­sant entrer direc­te­ment dans l’u­ni­té de ses rêves ou vous lui met­tez une paire de baffes avant de l’en­voyer à l’or­phe­li­nat le plus proche ? C’est bien ce qu’il me semblait.

Pour le reste, on est dans la plus pure tra­di­tion des his­toires de mechas, avec l’op­po­si­tion tra­di­tion­nelle entre mechas pilo­tés (Bioman) et mechas auto­nomes (Astro), les héros aspi­rés dans l’ac­tion à l’in­su de leur plein gré, et une réin­ter­pré­ta­tion de la guerre du Pacifique (des méchants sur­puis­sants attaquent le Japon, que quelques héros doivent pro­té­ger quittes à s’y sacri­fier). Rien d’o­ri­gi­nal là-dedans, mais une réa­li­sa­tion soi­gnée, un mon­tage ner­veux et une belle flo­pée de vannes de bas niveau s’at­tachent à faire mon­ter la sauce. Évidemment, les scènes de com­bat ne sont pas exemptes d’in­co­hé­rences, cer­taines assez magiques : par exemple, on met tous les civils dans des abris sous-ter­rains pour que les jae­gers puissent détruire la ville sans faire de vic­times, mais on s’en inquiète pas une seconde quand les kai­jūs attaquent en creu­sant des gale­ries sous la ville…

Des robots sur­puis­sants pilo­tés par des gamins débiles lâchés en ville ? Je vois pas ce qui pour­rait mal tour­ner. — pho­to Universal Pictures

Bref, à par­tir du moment où on accepte le pos­tu­lat « mechas vs god­zillas », on est prêt à ava­ler bien des trucs bizarres, donc le scé­na­rio absurde ne devrait pas gêner outre mesure, et la par­tie tech­nique est effi­cace. Totalement sans inté­rêt, mais tota­le­ment regar­dable, par­fois éner­vante mais sou­vent dis­trayante, cette pre­mière aven­ture sur grand écran de Steven DeKnight (connu pour avoir créé Spartacus et pro­duit Daredevil) ne res­te­ra dans les mémoires ni comme un chef-d’œuvre, ni comme un navet.