Glitch

de Tony Ayres et Louise Fox, depuis 2015, ***

Lorsqu’un cadavre est enter­ré, nor­ma­le­ment, il reste sous terre. Il y pour­rit len­te­ment, les vers le trans­forment en nour­ri­ture à plantes, et puis il finit par dis­pa­raître tota­le­ment et libé­rer une place dans le cimetière.

À Yoorana, dans le sud de l’Australie, sept per­sonnes ont libé­ré leur tombe de manière un peu plus ori­gi­nale : elles ont creu­sé jus­qu’à la sur­face et ont erré, hagardes, jus­qu’à ce qu’un flic et une doc­to­resse locale les récu­pèrent. Petite sur­prise : les sept ex-cadavres sont en par­faite san­té, la femme du flic morte d’un can­cer ayant même retrou­vé ses seins.

C’est mar­rant, dans les tran­chées, j’a­vais l’im­pres­sion d’être enter­ré vivant, et me voi­là déter­ré mort. — pho­to Netflix

Non, ça n’a rien à voir avec La nuit des morts-vivantsThe wal­king dead, Zombieland ou même Celle qui a tous les dons. Les morts-vivants sont ici bien vivants, après deux ans à deux siècles pas­sés sous terre, et reviennent avec toute la vigueur de leur âge. La série tourne donc autour de deux res­sorts prin­ci­paux : d’une part, les zones d’ombre entou­rant leurs morts (celle-ci a été assas­si­née, celui-là était au front, pour­quoi l’autre n’a-t-il aucun sou­ve­nir ?) et d’autre part, l’im­pact de leur retour, de l’en­quête secrète sur pour­quoi et com­ment à la confron­ta­tion entre la der­nière morte, son veuf et la nou­velle femme de celui-ci…

Un peu de comé­die, une bonne dose de thril­ler, une touche de fan­tas­tique et de science-fic­tion, ce qu’il faut d’Histoire, de poli­tique et de consi­dé­ra­tions huma­nistes — le retour d’un colon des années 1800 dans une Australie où les Aborigènes ont le droit de vote, c’est for­cé­ment un choc pour tout le monde… Et aus­si des acteurs cor­rects, des petits détails sym­pa, une écri­ture soi­gnée et un rythme un peu lent mais maî­tri­sé : sur le papier, il y a tout ce qu’il faut pour une série réussie.

Dis, ché­rie, je suis content de te voir mais… est-ce que je dois te dire que je suis rema­rié ? — pho­to Netflix

Le petit sou­cis, c’est qu’a­près une excel­lente mise en jambes, les auteurs s’emberlificotent un peu les crayons. D’une part, cer­tains res­sorts sont trop réuti­li­sés, en par­ti­cu­lier la capa­ci­té de Paddy à escro­quer son petit monde et les errances sen­ti­men­tales des couples prin­ci­paux. D’autre part, il y a ce choix facile, omni­pré­sent dans les séries de SF actuelles, de la vilaine grande entre­prise aux lourds secrets, tel­le­ment écu­lé qu’il faut la plus grande maî­trise pour avoir encore le droit de s’en ser­vir. Or, ici, on est plus près de la vilaine cor­po­ra­tion de Helix ou de Mr Robot que de la mys­té­rieuse banque qui peut faire et défaire des gou­ver­ne­ments dans Game of thrones. Du coup, la deuxième sai­son donne un peu le sen­ti­ment de tour­ner en rond, la seule nou­veau­té inté­res­sante étant l’ar­ri­vée du tau­lard tatoué.

Il y a un cer­tain poten­tiel et si les scé­na­ristes res­serrent un peu les bou­lons, la fin de la deuxième sai­son pour­rait ouvrir sur une troi­sième inté­res­sante. Mais pour l’ins­tant, c’est sur­tout une petite série sym­pa­thique, mais ordi­naire, dont l’ou­ver­ture lais­sait espé­rer mieux.

Ah si, un bon point tout de même : dans Glitch, les femmes ont des seins, que l’on voit lors­qu’il est logique qu’on les voie et qui sont cou­verts lors­qu’il est logique qu’ils le soient. Ça change agréa­ble­ment des séries qui les uti­lisent comme déco­ra­tion gra­tuite dans des scènes où ils n’ont pas de rai­son d’être, comme de celles qui déploient des tré­sors d’in­gé­nio­si­té pour les mas­quer quand l’hé­roïne sort de la douche.