Ex machina
|d’Alex Garland, 2015, ****
Vous connaissez le test de Turing. Vous savez aussi qu’il est très limité et qu’il ne s’agit, en fait, pas d’un test d’intelligence, mais d’un test d’imitation d’intelligence. Vous savez surtout qu’il est démontré depuis les années 1960 qu’on peut assez facilement tromper bien des humains, et donc « réussir » au moins temporairement le test, avec un simple ensemble de règles complètement stupide. Et si le vrai test d’intelligence artificielle, c’était de dire à un humain : « voilà un ordinateur », et de laisser celui-ci convaincre celui-là qu’il est quand même intelligent ?
C’est l’idée fondatrice de cet Ex machina, et dit comme ça je reconnais que ça peut paraître un peu léger.
Mais Garland ne s’est pas contenté de ça et a intégré d’autres ingrédients à son plat, à commencer par la personnalité de Nathan, patron de réseau social, génial, flippant, cool, tyrannique, généreux, misanthrope, fils naturel de Zuckerberg et Jobs, vivant en ermite dans un bunker hi-tech entouré de ses créatures, de ses bouteilles et de son apprenti.… Ça pourrait être trop, mais il parvient (avec l’aide d’Oscar Isaac bien sûr) à donner une cohérence à ce personnage profondément paradoxal, qui dépoussière efficacement le classique « savant fou ».
Le soin apporté à la technique, qu’il s’agisse des effets spéciaux particulièrement travaillés ou de la simple photographie, doit être salué : le scénario est certes étudié, mais il est surtout superbement porté par des compositions au cordeau et un rythme millimétré. Ce quasi-huis-clos sait également s’offrir quelques respirations, soit en ménageant des espaces inattendus au fil d’un dialogue, soit en profitant d’une escapade extérieure.
Bien entendu, il est aisé de n’y voir qu’une reprise arty du classique mythe de Frankenstein, avec la beauté d’une photographie d’architecture sur papier glacé. Mais il faut pour cela s’arrêter au gros de la recette et passer à côté des petits ingrédients qui font le sel du plat.