L’économie du couple
|de Joachim Lafosse, 2015, ***+
C’est le portrait d’une fille de petite bourgeoisie qui a acheté un local et rapporte un salaire, et d’un plus ou moins architecte qui a transformé ce local en appartement à la sueur de son front mais n’a pas de revenu régulier. Tout ça, au moment où ils se séparent mais cohabitent en attendant qu’il trouve des revenus pour se loger ailleurs.
Pas vraiment d’histoire pour cette tranche de vie : la situation est installée au début du film et se poursuit quasiment jusqu’à son bouclage. C’est une succession de scènes montrant la complexité de la cohabitation d’un ex-couple où le mépris réciproque a pris le dessus sur l’affection. Il la considère, non sans argument, comme une petite bourge qui doit tout à l’argent et ne reconnaît pas son travail ; elle le voit, et son raisonnement se tient, comme un gros lourd vaguement branleur qui squatte sans vraiment chercher d’endroit à lui ; il ne supporte plus sa volonté de tout contrôler et son manque de souplesse, elle maudit sa désorganisation et ses promesses non tenues.
Et évidemment, comme quand on s’est aimé et qu’on cohabite, il y a ces moments brutaux où une forme de complicité renaît, où l’envie resurgit au détour d’un souvenir, où on remet le couvert connement juste pour le plaisir de tout compliquer en s’apercevant que ça, ça marche encore.
C’est bien foutu, c’est du grand cinéma-vérité bien porté par un quatuor d’acteurs assez magique — il serait injuste de ne pas mentionner les jumelles du couple, qui occupent l’écran autant que leurs parents et ont leur lot de répliques qui marchent. C’est touchant, émouvant, affligeant, beau et triste comme une rupture.
Mais…
Mais, d’une part, la direction d’acteurs est assez inégale. Marthe Keller est souvent juste un peu à côté du rôle, et même Cédric Kahn donne une fois ou l’autre l’impression de réciter son texte.
Mais, d’autre part, si l’ensemble ne manque pas de finesse, la mise en place est d’une pesanteur effrayante — la scène du dîner dans le jardin est absolument horrible, tombant totalement à plat par la force de répliques lourdes et d’un rythme casse-gueule.
Mais, enfin, il y a un vrai problème de rythme et de tonalité, certaines séquences étant trop tirées en longueur. La scène où les gamines dansent est importante, son début est bien, sa fin est essentielle, mais le milieu semble calculé pour faire l’effet d’un Derrick sous Imovane.
Du coup, malgré des moments absolument sublimes et une très belle impression d’ensemble, reste également le sentiment diffus de s’être un peu fait chier çà et là.