L’Idéal
|de Frédéric Beigbeder, 2016, ****
Vous vous souvenez d’Octave ? Octave, le publiciste qui pétait les plombs et massacrait sa campagne dans 99 francs ?
Et bien Octave est de retour. Enfin, pas vraiment. Plutôt qu’une vraie suite, voici une variation sur un thème imposé : le métier d’Octave, cette fois, c’est de trouver des modèles, des filles grandes, maigres et si possible mineures qui serviront de porte-manteau à des couturiers, de slogan à des parfumeurs, de logo à des vendeurs de cosmétiques et éventuellement de putes à Octave. Octave est un vendeur de chair fraîche, cynique, calculateur, cocaïnomane, qui passe ses soirées à se défoncer et à essayer de baiser aux frais des maquignons russes.
Le prétexte — trouver une nouvelle égérie pour L’Idéal — n’est pas intéressant. Le sujet de L’Idéal, ce n’est pas la quête de la prochaine source de complexes de la presse féminine, c’est la présentation de l’univers des cosmétiques et du mannequinat et plus particulièrement de ses travers. Et en passant, c’est de taper un peu sur une société dans laquelle seule l’image compte, ce qui devrait rappeler quelque chose à ceux qui ont vu 99 francs.
On peut aimer ou détester, mais le film est franchement réussi : ça a un côté fascinant, regarder tous ces connards et toutes ces garces qui se détestent et méprisent l’ensemble de l’humanité. Le portrait est brutal, méchant, mais assez jouissif au fond, et si on commence par le point Godwin, c’est peut-être pour montrer que la comparaison n’est pas si absurde — après tout, eugénisme ou anti-rides, la logique est la même : on ne veut rien voir qui diffère…
Le soin apporté à l’image est évidemment remarquable (après tout, Beigbeder s’y connaît en marketing) et la mise en scène est plutôt réussie, mais ce sont vraiment les acteurs qui portent le film en permettant de faire passer un script qui, au fond, est une suite de caricatures et de gags pas forcément fins.
Le film a tout de même une vraie faiblesse, à la limite de l’impardonnable : un finale niaiseux comme c’est pas permis. Le choix de la « ruskaïa » est éminemment discutable, encore qu’il s’agisse dans doute d’un ressort essentiel pour obliger Octave à la réaction ; mais surtout, l’auteur semble n’avoir pas vraiment su qu’en faire et bascule sans transition du cynique au kitsch, en se laissant glisser sans vergogne dans un happy end sirupeux. Heureusement, là encore, les acteurs font passer la pilule, mais c’est une vraie fausse note qu’on ne peut passer sous silence.
Reste que l’ensemble est vachard et bien mené, et mérite amplement d’être vu — on le déconseille quand même à ceux qui ont l’estomac sensible.