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|chef-d’œuvre de Michael Bay, 2016
Mais qu’arrive-t-il à Michael Bay ? Après Pain & gain, où il se laissait aller à une forme d’auto-critique en admettant ouvertement que ceux qui regardent ses films sont des crétins et qu’il est légitime de se foutre de leur gueule, le voilà qui nous fait un film de guerre sobre, sans chichis, avec une ambiance raisonnablement rendue et une présentation presque honnête des choses. Adieu le patriotisme dégoulinant et les Américains intouchables qui ont toujours raison : bienvenue dans un univers où l’on se pose des questions, où les rapports entre Libyens et Américains sont complexes, où la présence occidentale au pays de Kadhafi ne va pas de soi et où la « libération » promise ressemble plus à un champ de ruines qu’à une terre d’abondance.
Que dire des personnages ? Leurs gros bras sont là pour coller aux habitudes, mais ce sont des pères de famille, qui ont rempilé dans la sécurité privée parce qu’ils n’arrivaient pas à rembourser leurs crédits avec des salaires de vendeurs de voitures. Loin de l’héroïsme déplacé des protagonistes de Pearl Harbor, voici des hommes ordinaires qui font ce qu’ils savent faire en espérant rentrer rapidement embrasser leurs gosses. Et cette évolution se retrouve côté réalisation, Michael ayant laissé de côté ses explosions spectaculaires et son montage frénétique pour proposer une œuvre plus directe, préférant la dure réalité du terrain aux effets de manche artificiels.
Le résultat est étonnamment convaincant, lorgnant du côté de Démineurs dans la forme d’Apocalypse now dans le fond : Michael Bay vient de montrer avec brio qu’il pouvait faire un film d’action, mais un film d’action intelligent, raisonnable et presque subtil.
Je corrige : de Michael Bay, 2016, ***
Bon, désolé, c’est le premier avril, fallait bien que je fasse quelque chose.
En vérité, on retrouve bien Mickey comme on l’aime : patriote jusqu’au bout des ongles, avec des héros qui disent des trucs vachement profonds (genre « ces pauvres types ne savent pas ce qui va leur arriver : on va déchaîner l’enfer sur eux » quand trois mecs en Kalashnikov se pointent au bout de la rue) et qui se torchent avec le règlement (tout le monde sait qu’à la CIA, un vrai héros pose ses couilles sur la table et dit « je fais ça, point » à ses supérieurs). Bien sûr, tous les héros sont interchangeables et bien entendu, on y va crescendo dans la destruction avec une scène finale qui ressemble à une seule explosion longue d’une demi-heure.
Et bien entendu, le stars and stripes est présente au début, au milieu et à la fin, et le générique est lancé sur les portraits des Américains de la vraie vie qui ont inspiré le film et qui étaient des grands héros qui ont servi courageusement cette grande nation, tout ça.
Ceci dit, tout premier avril que l’on soit, j’ai pas mis que des conneries dans la première partie de cette critique. En fait, elle est même assez valable pour les trois premiers quart d’heure du film, plus sobres et moins cons que les grands classiques d’action des Bay-Sommers-Emmerich. D’abord, il y a une tentative pour approfondir un peu les personnages et leur donner une famille, des responsabilités et des aspirations, même si c’est fait avec la subtilité d’une main au cul dans un bar à deux heures du mat. Et sans remettre en question les ingérences américaines au Maghreb et au Proche-Orient, l’ambiguïté de la situation est bien rendue : les Américains sont à cheval entre invités, squatteurs et occupants, les Libyens sont à la fois amis, soutiens, lâcheurs et ennemis, et les relations oscillent en permanence entre bonne volonté, méfiance, intérêts communs, incompréhension et haine. Et dans cette première partie, on sera surpris de voir peu d’explosions, et des explosions simples, sans boules de feu parcourant des kilomètres avec coups de basse pour asseoir le spectateurs dans son siège.
La seconde partie, en revanche, comme je le disais, c’est bien du Michael Bay qui pète et qui claque, qui prend totalement parti pour ses héros et justifie sans hésiter de raser une ville pour sauver une paire d’Américains.
Difficile du coup de trancher : on peut voir ici une évolution du cinéma de Michael Bay, qui s’éloignerait des rives emmerichiennes pour se rapprocher des Kathryn Bigelow ou de films de guerre réalistes comme Du sang et des larmes ; mais on peut aussi y voir un échec de l’imagination, comme si le réalisateur n’avait en vérité pas dans son logiciel interne les clefs pour exploiter correctement sa mise en place et était incapable d’imaginer un finale autre qu’une explosion de violence complaisante sur fond de Star-spangled banner.
Une chose est en tout cas certaine, c’est que ceci n’est pas le gros navet hyper-bourrin attendu, ou du moins, n’est pas que ça. Et rien que ça, c’est une bonne surprise.