Le prodige
|d’Edward Swick, 2013, **
Les fans d’échecs s’en souviennent encore : en 1972, à Reykjavík, Bobby Fischer devient champion du monde, après avoir déclaré forfait sur la deuxième partie du championnat, exigé le retrait des caméras et du public, et menacé de ne pas participer du tout. Un bon résumé du personnage, génial dans son jeu, capricieux et puéril en-dehors.
Pour l’auteur d’un biopic, un personnage comme Fischer est un régal : on a facilement le grandiose qui justifie le film, et on ne risque pas de tomber dans l’hagiographie tant l’homme était imbuvable (et il ne s’est pas arrangé en vieillissant). Reste le dernier écueil, la facilité, et c’est bien celui sur lequel sombre Le prodige. Les dialogues travaillés et les échos symboliques n’y peuvent rien : le film, dans son ensemble, se contente de dérouler la même séquence à quelques retouches près, comme un type qui ouvrirait toujours par le pion en d4 et se contenterait ensuite de petites variantes dans son jeu. On a donc l’éternel cycle « Bobby surprend tout le monde par un coup génial — Bobby sort des exigences débiles qui froissent tout le monde — Bobby pète les plombs, s’enferme et refuse de jouer — Bobby revient et surprend tout le monde par un coup génial », répété ad soporem tout au long du film. Un montage plus nerveux aurait peut-être aidé à faire passer la pilule, mais il y a en réalité un vrai problème de répétitivité dans l’ensemble de l’histoire.
Le film souffre également de quelques autres faiblesses, notamment un casting et un maquillage discutables qui donnent l’impression d’une génération d’écart entre Spassky et Fischer. J’ai également noté un étalonnage sans réduction de bruit qui entraîne un fourmillement coloré très prononcé dans les (nombreuses) scènes en intérieur.
Au bout du compte, les acteurs font admirablement leur boulot, mais ils sont à peu près les seuls à réellement séduire ; le premier adjectif qui me vient pour qualifier le film est finalement : « mollasson ».