747 en péril
|nanar de Jack Smight, 1974
Les mauvaises langues disent que Y a‑t-il un pilote dans l’avion ? est une parodie d’Airport, mais c’est faux. En réalité, c’est une parodie de 747 en péril, deuxième volet de la série Airport.
Enfin, quand je dis « parodie »… On pourrait parler de remake, tant l’original est à peine moins drôle que la parodie.
Ce volet commence en effet à faire des blagues dès l’affiche américaine : titré Airport 1975, le film est sorti en salles en octobre 1974 — un peu comme un magazine qui sortirait à la mi-janvier et serait daté de février. Ensuite, c’est un festival de conneries : la relative base technique et les recherches de vocabulaire aéronautique qui avaient présidé à la création du premier volume ont été jetées aux oubliettes, et les scènes qui ne tiennent pas debout une seconde s’enchaînent avec acharnement.
Juste un exemple comme ça : quand il faut faire rentrer un pilote par le trou du fuselage en plein vol, la courge qui occupe le poste de pilotage n’a pas une seconde l’idée de dégager un peu l’accès, par exemple en arrachant le panneau qui pendouille du plafond. Enfin si, elle y pense quand c’est son mec qui descend, après que le premier a raté son entrée et appris l’art du saut en profondeur. Dommage pour lui.
Ceci étant, il y a une logique : cette « héroïne » passe son temps à montrer qu’elle est incapable de manipuler un avion sans qu’un mâle lui donne des ordres. C’est quand même la seule débile qui, quand elle doit faire monter un avion et voit que ça fait chuter la vitesse, bugue complètement et attend qu’on lui dise quoi faire. Elle est chef de cabine, elle a dû passer quelques heures dans le cockpit à apporter des cafés, pas une fois elle n’a remarqué les quatre gros machins entre les pilotes qu’ils utilisent pour augmenter la poussée. À partir de l’arrivée de Charlton Heston, elle n’est plus là que pour décorer l’arrière-plan et là, on voit ce que c’est qu’un mâle, un vrai — alors que vu la complexité du pilotage du Boeing 747–100, je pense que le premier réflexe d’un pilote aurait été de prendre n’importe qui et de lui expliquer les commandes de train d’atterrissage et de volets pour se décharger un peu du boulot.
Autrement dit, 747 en péril est un des très rares films d’action de l’époque où le scénario a mis une femme au premier plan, mais il réussit l’exploit d’être constamment sexiste jusque dans la construction de ce personnage principal.
Après, il y a des dialogues risibles (comme dans le premier Airport, certes), Charlton Heston encore plus mauvais que dans Bowling for Columbine, des gens qui parlent sans hurler alors qu’il y a un courant d’air à 330 km/h qui s’engouffre par un trou d’un mètre de diamètre, des passagers qu’on s’emmerde à évacuer par les toboggans à gauche alors que les héros sortent tranquillement par une passerelle à droite, et surtout la scène emblématique où tout le monde se met à hurler parce qu’il y a eu un bruit à l’étage supérieur.
Il y a aussi cette enfant qui fait le voyage de Washington à Los Angeles spécialement pour y recevoir un rein, et pour qui le fait que l’avion soit détourné vers Salt Lake City n’est pas un problème puisque l’hôpital local a justement un rein en stock — Patrick Pelloux rêverait d’un système hospitalier pareil.
Par pure charité, je ne parlerai pas du clone de Sœur Sourire qui joue de la guitare au milieu ou du fait que c’est là qu’apparaît le macho hispanique qui, renommé et transformé en motard, deviendra le célèbre Poncharello de CHiPs : faut vous laisser des surprises pour le jour où vous aurez assez bu pour souhaiter revoir le film.
Le premier Airport, qui remit au goût du jour le film-catastrophe, était une série B honnête avec certaines qualités narratives et dont les scénaristes avaient un peu bossé leur sujet. Quatre ans plus tard, le deuxième était une daube écrite et réalisée avec les pieds, dont le seul et unique bon point est d’avoir révélé le potentiel cinématographique d’une future star des grands écrans, le Boeing 747.