Pan Am
|de Jack Orman, 2011, **
En 1963, le voyage long-courrier était en plein essor : Pan American World Airways, premier client du Boeing 707, desservait quotidiennement des destinations aussi exotiques que Paris, Rome ou Rio de Janeiro, directement depuis le Worldport — son terminal à l’aéroport d’Idlewild, en banlieue est de New York. Mais si les voyages transatlantiques sans escales n’étaient désormais plus exceptionnels, ils restaient un produit de luxe assortis d’un certain prestige.
Voilà donc le cadre de Pan Am, série télé éphémère qui fut arrêtée après une seule saison. Les personnages : cinq hôtesses, deux pilotes, des passagers, un avion. Les intrigues : des affaires de cœur, des ambitions personnelles, de la politique, de l’espionnage, un poil de reconstitution historique. Ça touche à tout ? Oui, c’est peut-être un peu le problème : Pan Am est à la fois une série pour midinettes en quête d’amûuuuur, pour femmes libertaires et indépendantes, pour fans d’action héroïque ou de blagues potaches, pour amateurs d’histoire ou pour esprits moderne. L’ensemble rappelle un peu les saisons 10–12 d’Urgences, vous savez, ce long passage à vide où les scénaristes ont oublié leur sujet et ont enchaîné les épisodes avec des thématiques soit déjà utilisées, soit hors-sujet, en liant le tout avec une bonne dose de « qui couche avec qui ».
La production a fait certains efforts louables. Par exemple, un casting relativement international permet à bon nombre de scènes d’être tournées dans la langue du pays, les costumes sont très fidèles à ce qu’on peut voir sur les photos d’époque, le contrôle strict auquel les hôtesses étaient soumises (célibat, habillement, tenue, âge…) est bien rendu. L’émotion soulevée par le discours de Kennedy à Berlin puis par son assassinat sont également au rendez-vous, et un épisode vient opportunément rappeler que la ségrégation raciale existait encore aux États-Unis eux-mêmes. Mais à côté de cela, Pan Am fait des impasses assez gênantes en laissant les hôtesses batifoler un peu trop librement (si l’une d’elles rappelle une fois qu’à l’époque, les femmes attendaient impatiemment la pilule, les auteurs semblent l’avoir oublié dans les treize autres épisodes), en mélangeant allègrement CIA et MI6 ou encore en accumulant les clichés sur l’Union soviétique.
Pour les amateurs d’aviation, le bilan est tout aussi mitigé : d’un côté, la reconstitution de l’ambiance des vols, du prestige dont jouissaient les équipages, et aussi des petites luttes entre les pilotes démobilisés après la Seconde guerre (héros de la nation et stars de la compagnie) et la première génération de pilotes purement civils, formés à la fin des années 50 et connaissant beaucoup mieux les jets transatlantiques que leurs aînés. De l’autre, certaines scènes absolument risibles, des avions en images de synthèse qui se promènent sur des trajectoires aléatoires, et un survol plus qu’approximatif des procédures et du vocabulaire aéronautique (sérieux, poser un 707 bourré de passagers sur une piste fermée d’un pays hostile sous prétexte d’aller chercher un hypothétique toubib ?!).
Dans l’ensemble, la série n’est pas désagréable et offre même de bons moments, mais il y a trop de caricatures, de ressorts prévisibles et d’artifices narratifs pour réellement emporter l’adhésion.
Notons que même les producteurs n’ont pas fait preuve d’un soin excessif : ABC, la chaîne d’origine, a carrément oublié le septième épisode en route, et il n’a finalement été diffusé qu’après le treizième !