Ice pilots NWT
|de David Gullason, depuis 2009, ***
Yellowknife, territoires du nord-ouest. Zone chaude (température maximale moyenne en janvier à Yellowknife : ‑23 °C), peuplée (41 000 habitants sur 1,2 millions de km²) et accueillante (température maximale en hiver : ‑23 °C, on vous dit). Le moindre trajet fait quelques centaines de kilomètres, les routes sont rares et pas toujours déneigées, les motoneiges sont mal chauffées ; du coup, un certain nombre de tarés ont profité de la fin de la Seconde guerre mondiale pour acheter des avions aux surplus militaires. Soixante ans plus tard, ils n’ont rien trouvé pour les remplacer, les machins modernes étant lourds, incapables de se poser sur des pistes glacées d’un kilomètre et/ou extrêmement chers, et seuls quelques King Air et Electra ont rejoint une flotte toujours articulée autour du DC‑3 et du DC‑4.
C’est le cadre de Ice pilots NWT (et oui, j’ai fait exprès de reprendre le premier paragraphe de mon commentaire d’Arctic Air, vu qu’ils ont franchement copié Ice pilots NWT), série de TV-réalité canadienne que tout amateur d’aviation et particulièrement de vieux coucous est censé voir.
Ice pilots NWT est globalement fort intéressant… pour les malades sus-mentionnés. Très axée sur le pilotage à la main et la maintenance d’avions sexagénaires mais toujours en service quotidien, la série met en scène nombre de situations plus ou moins stressantes et présente largement les conditions de vol et de travail dans un territoire pour le moins hostile.
Les autres spectateurs peuvent trouver les situations un peu répétitives : les problèmes de moteurs, les incidents mécaniques divers, les tensions dans le personnel et les conneries de Mikey McBryan (fils du propriétaire, gérant de la compagnie et surtout grand gamin dans l’âme), ça n’est pas un exemple de variété.
La série ne se renouvelle d’ailleurs pas énormément, gravitant toujours autour des mêmes avions (DC‑3 et C‑46, bien que Buffalo Airways ait en réalité bien plus de DC‑4 et de petits Beechcraft que de C‑46), des mêmes personnages et du même type de mission. Pour ceux à qui le problème « se poser sur un lac gelé avec un Electra » paraît profondément différent du problème « se poser sur une bande de terre avec un DC‑3 », pas de soucis : vous trouverez ça passionnant ; pour les autres, je pense qu’un documentaire hongrois sur la reproduction des gobies du lac Eyre sera tout aussi intéressant.
Plus gênant, la production utilise toujours les mêmes ficelles narratives : le problème du jour est à chaque fois présenté comme très difficile et super dangereux au début de l’épisode et chaque vol a été près de la catastrophe une fois chacun arrivé à bon port. Ce côté artificiel est d’autant plus lassant que ceux qui auront tenu quatre saisons sont sans doute des gens que Buffalo Airways ou ses avions intéressent à un titre ou à un autre, et ceux-là auront jeté un œil à l’histoire de la compagnie pour voir qu’elle n’a perdu que sept avions depuis sa création et n’a jamais eu d’accident mortel : on sait donc fatalement que tout va bien se finir (tiens, dans la saison 5, il y aura un atterrissage sur le ventre en DC‑3).
Restent quelques belles histoires et la passion qui anime les personnages qui, malgré des difficultés parfois réelles (trouver de l’essence aviation est vraiment de moins en moins simple), continuent à traîner leurs guêtres là-bas pendant des années parce que c’est une activité de pionniers sur une des dernières « frontières » connues. Des caractères bien trempés qui, parfois, finissent quand même par claquer la porte, lassés d’être traités comme des chiens par un patron qui, en fait du bonhomme un peu rude mais sympathique présenté au départ, est quand même surtout un despote caractériel et souvent injuste.
Au cours de la saison 2, je me suis d’ailleurs fait une réflexion qui ne me quitte plus : Buffalo Airways continue à faire voler des avions de la Seconde guerre mondiale et tout le monde trouve ça cool ; mais en fait, ça serait cool si ça ne venait pas d’une façon de penser très profondément ancrée dans Joe McBryan : il est inutile de moderniser ce qui fonctionne. Du coup, les rampants continuent à se ruiner la santé à remplir des avions dans des conditions merdiques parce que ça fait quarante ans que ça marche comme ça, même si depuis on a inventé des trucs plus efficaces et moins dangereux que les vieux trans-palettes à main.
Dans l’ensemble, Ice pilots NWT s’adresse donc avant tout aux passionnés d’aviation et peut-être à quelques amateurs d’histoires de pionniers ; le reste du monde devrait trouver ça vaguement chiant et les amateurs du Code du travail seront régulièrement scandalisés.