House of cards

de Beau Willimon, depuis 2013, ****

Francis Underwood est un véri­table fils de pute. Pardon, je vou­lais dire : un hon­nête dépu­té. Whip¹ du par­ti démo­crate, il a soi­gneu­se­ment joué sa par­ti­tion dans un but : deve­nir secré­taire d’État, poste le plus en vue du cabi­net — et sans doute trem­plin vers la pré­si­dence quatre ou huit ans plus tard. Las, le pré­sident brise l’ac­cord pas­sé et en choi­sit un autre. Underwood décide alors de pas­ser à l’ac­tion pour cas­ser ceux qui ont pro­vo­qué cette situa­tion, en jouant ses atouts : deve­nir indis­pen­sable en fai­sant pas­ser des lois impas­sables, ali­men­ter la rumeur en infor­mant une jeune jour­na­liste arri­viste, et foutre la merde en fai­sant mon­ter un jeune dépu­té dans la hié­rar­chie poli­tique et en uti­li­sant le pou­voir de lob­bying de l’ONG diri­gée par sa femme.

House of cards est moderne. Pas seule­ment pas les thé­ma­tiques abor­dées (envi­ron­ne­ment, nucléaire, cor­rup­tion, drogues, presse en ligne, éthique poli­tique et jour­na­lis­tique, et consorts), mais aus­si par la forme : Underwood n’hé­site pas à s’a­dres­ser direc­te­ment au spec­ta­teur et c’est une de ces séries où l’u­ni­vers se divise entre méchants et très méchants. Arrivistes, mani­pu­la­teurs, infi­dèles, men­teurs, traîtres, tous les per­son­nages sont prêts à tout pour arri­ver à leurs fins, et la plu­part n’en ont même pas honte (et ceux qui en ont honte sont très mal bar­rés : ils ser­vi­ront de défou­loirs, de fusibles ou de jouets aux autres). Underwood appré­cie le billard en trois bandes, au point que lui-même semble par­fois jouer deux cartes oppo­sées simul­ta­né­ment juste pour voir ce que ça don­ne­ra, et même le spec­ta­teur doit par­fois faire un effort pour se sou­ve­nir de son but ini­tial — dégom­mer le vice-pré­sident, le secré­taire d’État et les autres pour deve­nir le loup Alpha.

La réa­li­sa­tion est extrê­me­ment soi­gnée : la série a des moyens consé­quents, une liste de pro­duc­teurs longue comme le bras, les deux pre­miers épi­sodes ont été réa­li­sés par David Fincher et ses suc­ces­seurs ont sui­vi la ligne. Photo réus­sie, acteurs impec­cables, dia­logues cise­lés, tout est bon là-dedans — sauf le fond des per­son­nages, bien sûr.

L’ensemble est donc une série de poli­tique-fic­tion noire, pre­nante, acerbe, cynique même ; ça ne donne pas for­cé­ment envie de voter ni de payer des impôts, mais c’est fort réussi.

¹ Membre d’un groupe par­le­men­taire char­ger d’as­su­rer sa cohé­sion et le res­pect des consignes de vote.