Stoker
|de Park Chan-wook, 2012, ****
Point de départ : un architecte meurt dans un accident de voiture, laissant une veuve et une orpheline tout juste majeure dans une grande maison vide. Celles-ci font alors connaissance de son frère, absent depuis des décennies, au charme discret mais certain.
Ça, en gros, c’est les cinq premières minutes. On peut rien raconter de l’heure et demie qui suit sans risquer de tomber dans le gros spoiler, donc j’arrêterai là le synopsis. C’est une histoire farouche, de désir, de prédation, de méfiance, de rivalité et bizarrement aussi un peu d’amour. C’est surtout une histoire d’apparences, de réalités, de décalages entre les unes et les autres, et de comment un univers lisse et propre peut cacher accidents et souillures.
Je suis assez partagé sur plein d’aspects. La photo, par exemple, est globalement très réussie, mais il y a parfois quelques soucis — notamment au moins un contre-jour où la rehausse des ombres est très brutale et visible. La réalisation, si elle est capable de fulgurances et donne dans la progression implacable sur la seconde moitié, souffre d’une premier partie brouillonne et d’une mise en place franchement languissante. Quant au scenario, s’il joue habilement avec les impressions, les convictions et les faux-semblants, il est parfois un peu artificiel et fait la part trop belle aux retournements et à une symbolique un peu lourde.
Mais il y a trois trucs qui font que ça marche à fond : Mia Wasikowska, Nicole Kidman et Matthew Goode. Trois personnages engagés dans une espèce de partie de billard étonnante, chacun cachant ou révélant tour à tour ce qui sera peut-être sa vraie nature, et trois acteurs jouant sur plusieurs tableaux en échos et miroirs très réussis. Au passage, la petite blonde toute lisse confirme qu’elle est beaucoup plus à l’aise dans des rôles ambigus et caractériels que dans la gentillesse sucrée — mince, je crois que je viens encore de dire du mal d’Alice au pays des merveilles.
Au final, l’ambiance prend après une demi-heure et la progression qui suit est assez implacable, portée par un rythme enfin trouvé et des acteurs lumineux. Les plus maniaques noteront des clins d’œil sans doute volontaires (La famille Addams, Dexter, que sais-je…) et une pincée occasionnelle d’humour noir très piquant, et j’ai particulièrement adoré un final extraordinaire qui a le bon goût d’aller au bout de sa logique.